Question-réponse 37

J’aimerais savoir si le sceptre de notre maître Ahmed Tijani (qu’ALLAH Soit Satisfait de lui) est toujours à Fez ou s’il a été récupéré par un Mouqadem comme le prétendent certains disciples.

REPONSE

En ce qui concerne votre question sachez que Seïdina Ahmed Tijani (qu’Allah sanctifie son précieux secret) n’a jamais eu de sceptre, donc cette parole ne veut point faire référence à un objet physique. Il s’agit sûrement d’une allégorie, c’est-à-dire une phrase imagée pour désigner soit une proximité particulière, soit une authenticité dans l’enseignement reçu de Seïdina Ahmed Tijani (qu’Allah sanctifie son précieux secret). Ce genre de phrase métaphorique est courant dans le Qoran et les hadiths, et les maîtres Soufi en font un usage très fréquent et nécessaire quand ils parlent de leur spécialité qu’est le domaine du spirituel, traduit par le goût et l’expérience. Or, souvent, ceux qui ne sont point habitués à ce genre de propos se lancent dans des interprétations irrecevables et fausses qui sont contraires au sens sous-entendu par le locuteur. Certes il est permis de faire usage de ce genre de propos, mais il ne faut retirer comme interprétation que ce qui entre dans le cadre du licite, de l’envisageable et du raisonnable et si nous n’avons pas les capacités de le faire alors il faut s’abstenir de toutes interprétations et prendre ce qui est sûr tout en abandonnant ce qui est douteux.

C’est dans ce cadre que Seïdina Ahmed Tijani (qu’Allah sanctifie son précieux secret) a dit ces fameux propos : « Si vous entendez des propos qui me sont attribués alors pesez-les sur la balance de la Loi (Chari’a), s’ils sont conformes pratiquez-les mais s’ils divergent délaissez-les. »

Seïdina (qu’Allah sanctifie son précieux secret) nous donne à travers cette parole une règle et une leçon, c’est que tout propos doit être analysé à partir d’un sens conforme à ce qui est communément admis et qui n’enfreint aucun principe unanimement établi. Si plusieurs interprétations sont possibles alors on se basera sur celles qui sont les plus proches de ce qui est confirmé. Si on fait l’inverse, c’est-à-dire qu’à partir d’une interprétation personnelle et primaire on établit une règle et un principe alors c’est de là que naissent les déviances, les confusions et les égarements.

Pour illustrer ces dires, nous allons prendre l’exemple du verset où Allah (qu’Il soit Glorifié et Exalté) dit : « Et adore Ton Seigneur jusqu’à ce que te vienne la certitude (c’est-à-dire la mort) » (Sourate 15 Al Hijr, verset 99). Certains prétendants à la connaissance ont interprété ces paroles Divines de telle sorte qu’à partir du moment où une personne atteint un degré de foi convaincue, il ne lui est plus nécessaire de faire des actes de cultes et ainsi non seulement ils dédaignèrent, pour la juste compréhension, l’exemplarité du Prophète (que la prière et la paix d’Allah soient sur lui) car « il est celui qui connaît le mieux Allah et le craint le plus » et que malgré cela jamais il ne se détourna des actes d’adorations, mais en plus ils délaissèrent la pratique de ce qui est pourtant établi et confirmé et ainsi ils s’égarèrent dans la perdition et égarèrent les autres. Il en est de même pour certaines croyances parmi les Chiites concernant des propos authentiques ou non attribués soit au Prophète (que la prière et la paix d’Allah soient sur lui), soit aux Gens de sa Maison (Ahlou-l-Baït). Ils ont interprété cela de telle façon qu’ils considèrent que la lignée des Imams (qu’Allah les agrée) est revêtue de l’impeccabilité (El ‘Isma) et que de ce fait ils ont un degré supérieur à celui des prophètes (sur eux la paix) hormis le Messager d’Allah (que la prière et la paix d’Allah soient sur lui).

Pour donner un autre exemple avec un hadith, il est rapporté aussi que le Prophète (que la prière et la paix d’Allah soient sur lui) a dit : « Il y a parmi les serviteurs d’Allah des gens qui ne sont pas des prophètes, mais qui seront enviés par les prophètes et les martyrs. » Ils demandèrent : « Qui sont-ils ? Peut-être les aimerons-nous ? » Il dit : « Ce sont des gens qui s’aiment par la lumière d’Allah sans aucun lien de parenté ou tribale, leurs visages sont de lumière, assis sur des chaires de lumière, ils n’auront point peur lorsque les autres auront peur, et ne seront point attristés lorsque les autres s’attristeront. » Puis il récita : « N’est-ce pas que les alliés d’Allah n’auront ni crainte, ni tristesse, ceux qui ont cru et eu la certitude. » (Hadith authentique dont tous les transmetteurs sont sûrs.) Malgré cette particularité, ceux qui prétendent que ce surplus qu’Allah accorde à Ses alliés, qui s’aiment en Sa Majesté et qui sont enviés par les prophètes, implique qu’ils sont meilleurs que les prophètes (sur eux la paix) eux-mêmes, ceux-là ont une croyance corrompue par une interprétation fausse. Et les exemples dans ce domaine sont nombreux et connus.

Donc, pour en revenir aux propos qu’aurait dit ce Mouqadem, s’il fait partie des gens de bien qui ont une connaissance véritable de Seïdina Ahmed Tijani (qu’Allah sanctifie son précieux secret) et une connaissance approfondie de la Tariqa, alors ces propos là ou d’autres similaires peuvent être situés parmi les paraboles si fréquentes dans le langage des grands maîtres. Aussi on se doit de lui donner une interprétation qui convient avec ce qui est établi et confirmé au sein de la Tariqa au sujet du degré particulier et unique de Seïdina Ahmed Tidjani (qu’Allah sanctifie son précieux secret) dans le domaine de la sainteté.

Par conséquent, en ce sens, il faut savoir que cette Tariqa appartient au Prophète (que la prière et la paix d’Allah soient sur lui) et c’est lui qui a le rôle du Cheikh au sein de cette noble voie tandis que Seïdina Ahmed Tijani (qu’Allah sanctifie son précieux secret) ne s’est présenté qu’en tant que représentant et dépositaire. C’est pourquoi, dans une lettre qu’il avait envoyée à l’un de ses grands compagnons, il a dit au sujet de la Tariqa : « Qu’Allah nous fasse, ainsi que vous, de ceux qui s’accrochent à elle et de ceux qui cheminent dans son sentier dans la vie et la mort, en paix, en bonne santé et en sécurité jusqu’à l’établissement dans les plus hauts degrés du Paradis auprès du maître de l’existence (que la prière et la paix d’Allah soient sur lui) ».

De plus, le statut particulier de Seïdina (qu’Allah sanctifie son précieux secret) et de cette Tariqa est, par rapport aux autres voies spirituelles authentiques, ce que l’Islam est par rapport aux autres communautés qui l’avaient précédé, et ce, dans le domaine de la particularité et de la plénitude. Ainsi, cette Tariqa est une et doit le rester, il n’est point permis d’en changer une seule de ses conditions ou d’ajouter quoi que ce soit à ses oraisons essentielles. Personne après Seïdina (qu’Allah sanctifie son précieux secret) n’a le droit ni l’autorité de la modifier, c’est pour cette raison que le terme “branche” ne lui convient pas du tout comme cela est possible dans le cas des autres voies spirituelles, car tout Tidjani n’a pour seul objectif que de se conformer le mieux possible aux enseignements de Seïdina Ahmed Tijani (qu’Allah sanctifie son précieux secret) et ainsi il n’y aucune raison de renommer la Tariqa en y ajoutant le nom d’une autre personne et cela quelle qu’en soit sa valeur et ainsi de suite, il s’agit purement et simplement que de la Tariqa Ahmediya Mohammediya Ibrahimiya Hanifiya, et par extension pour le dépositaire officiel, Tidjaniya.

L’essentiel, c’est de trouver Seïdina Ahmed Tijani (qu’Allah sanctifie son précieux secret) par le biais de l’amour exclusif en ne lui préférant personne d’autres parmi les élus d’Allah, car comme il a dit : « Celui qui me connaît, il me connaît seul. » N’importe quel Mouqadem, Khalife ou même descendant, dépend entièrement de Seïdina (qu’Allah sanctifie son précieux secret) et n’a pour rôle que de le représenter et d’être à son service. L’Imam Soukeïrij (qu’Allah l’agrée) a dit : « Le Mouqadem dans cette Tariqa Ahmediyya Tidjaniyya, quoi qu’il ait atteint dans les degrés particuliers, il n’est qu’un représentant de Seïdina, sans posséder une particularité distincte de cela. » (Rafa’ Niqab)

Et comment pourrait-il en être autrement vu sa station spirituelle unique et d’ailleurs en évoquant les bienfaits d’Allah à son égard, Seïdina Ahmed Tijani (qu’Allah sanctifie son précieux secret) a dit : « Ma station auprès d’Allah dans l’au-delà est telle que personne d’entre les Aouliya ne peut l’atteindre, et personne ne peut l’approcher que sa valeur soit grande ou petite, et parmi l’ensemble des Aouliya, après l’époque des compagnons (qu’Allah les agrée) jusqu’au jour où on soufflera dans la Trompe, il ne s’en trouve pas un capable d’atteindre notre station […] » (Rimah)

Il est rapporté aussi dans Rafa’ Niqab le récit suivant :

« Lorsque Seïdina (qu’Allah sanctifie son précieux secret) se rendit à ‘Aïn Madhi, il s’installa non loin de la ville où on lui mit une tente pour accueillir ceux qui viendraient le visiter. Sidi Mohamed Ibn Mechri (qu’Allah l’agrée) fut installé dans une autre tente non loin de lui ainsi que Sidi Mahmoud Tounsi (qu’Allah l’agrée) qui avait également sa propre tente. La vertueuse Zohra accompagna certains compagnons comme Sidi Chaïba, Sidi Ahmed Lakhdar ainsi que d’autres. Eux entrèrent tout d’abord dans la tente du juriste (c’est à dire Sidi Mohamed ibn Mechri) mais elle n’entra pas avec eux, elle se dirigea directement vers la tente de Seïdina (qu’Allah sanctifie son précieux secret).

Elle le trouva en compagnie de ses deux enfants, Sidi Mohamed El Kebir et Sidi Mohamed El Habib (qu’Allah les agrée tous deux). Tous deux l’interrogèrent sur ceux qui l’avaient accompagnée, elle répondit : « Untel et untel, mais ils sont entrés dans la tente du juriste. » Seïdina (qu’Allah sanctifie son précieux secret) lui demanda : « Pourquoi n’es-tu pas rentrée avec eux ? » Elle répondit : « Je ne suis venue que pour te visiter, et même si tes enfants avaient eu chacun leur propre tente, je ne serais rentrée auprès d’eux qu’après t’avoir visité d’abord, car je ne connais que toi. » Seïdina (qu’Allah sanctifie son précieux secret) lui dit : « Tu as bien fait, celui qui me connaît, il me connaît seul. » »

Pour conclure, si ces propos ont bel et bien été dits par ce Mouqadem, il faut comprendre alors qu’il s’agit d’une image visant à mettre en valeur la qualité et l’authenticité de l’enseignement qu’il a acquis en rapport avec le suivi pur de l’enseignement de Seïdina Ahmed Tijani (qu’Allah sanctifie son précieux secret). Par contre, il n’est nullement permis à aucun disciple Tidjani ou admis de croire que ce Mouqadem, ni aucun autre, a voulu dire que dorénavant il a égalé ou pire, surpassé le degré de Seïdina Ahmed Tijani (qu’Allah sanctifie son précieux secret), ou que son enseignement est le seul valide dans la Tariqa Tidjaniya, ou encore que seuls ceux qui sont affiliés à travers lui peuvent atteindre la Connaissance et sont considérés comme de véritables disciples Tidjani.

Toutes les informations nous provenant de Seïdina Ahmed Tijani (qu’Allah sanctifie son précieux secret), de ses compagnons, des Khalifes parmi ses descendants et des savants et sommités au sein de la Tariqa Tidjaniya (qu’Allah les agrée tous), ne viennent attester de telles assertions, bien au contraire. Il existe certes des particularités accordées à certaines élites dans leurs irrigations et éducations au sein de cette voie, mais nous le répétons, cela n’entre que dans le cadre de la représentation authentique de Seïdina Ahmed Tijani (qu’Allah sanctifie son précieux secret) et la confirmation de ce qu’il a reçu comme dépôt de la part du Prophète (que la prière et la paix d’Allah soient sur lui).

Aussi, il est de notre devoir de travailler à changer certaines fausses conceptions qui circulent parfois auprès des disciples ignorants, et qui souvent, veulent attribuer à leurs Chouyoukh ce qu’eux-mêmes ne se sont point attribué, ou pas en ce sens en tout cas. Nos propos ne visent point ces Chouyoukh en question, mais bel et bien ceux qui prétendent les suivre alors que par l’affirmation de tels dires, ils ne suivent ni eux, ni Seïdina Ahmed Tijani (qu’Allah sanctifie son précieux secret), ni l’enseignement de cette noble Tariqa et ils corrompent ceux qui n’ont pas accès à la connaissance authentique de cette noble Tariqa Mohammediya.

Zaouiya Tidjaniya El Koubra d’Europe