Question-réponse 55

Qu’en est-il de la prétention du Sheykh al-Akbar (ibn Arabi) au rang de sceau de la sainteté Muhammadienne revendiqué aussi par al-Tidjani ?

REPONSE

La station du Sceau de la sainteté Mohamedienne, qui se situe juste en dessous du degré des prophètes (sur eux la paix) et de celle des compagnons du Prophète (que la prière et la paix d’Allah soient sur lui), fut connue et convoitée par les grands hommes de vérité de toutes les époques. Les élites parmi les véridiques ont aspiré à cette dimension spirituelle unique et inégalable, mais à qui fut réellement attribué cet héritage prophétique ?

Il existe plusieurs points qui, mis en rapport, répondent véritablement à cette question :

Le premier point concerne ce que l’immense Pôle Ibn ‘Arabi (qu’Allah l’agrée) a révélé, alors que certaines gens ont avancé, sans que cela ne soit pourtant certifié, qu’il avait revendiqué cette station pour lui-même. En effet, ses propres écrits démentiront par la suite cette< prétention sans aucune ambiguïté, notamment dans ses ouvrages « Foutouhat Mekkiya » (Tome 3) où il écrit : « Quant au Sceau de la Sainteté Mohammadienne il appartient à un homme de l’occident, d’origine noble, il est présent à notre époque, je l’ai rencontré à Fès en l’année 595 (de l’Hégire) et j’ai vu que le signe qu’il avait a été caché par Allah face à ses serviteurs […] »

La rencontre mentionnée ici est celle avec son esprit. De plus, dans l’introduction de Foutouhat Mekkiya ses propres paroles l’innocentent clairement de ces allégations, il dit :

« Lorsque je l’ai vu dans cet endroit, ce maître à l’abri de toute atteinte, protégé et victorieux (que la prière et la paix d’Allah soient sur lui) avec tous les autres messagers (sur eux la paix) qui étaient alignés face à lui et sa communauté qui l’encerclait ; Les anges, autour du trône de sa station, l’entouraient et les anges qui sont nés à partir des œuvres étaient alignés devant lui ; Abou Bakr Siddiq était à sa droite et ‘Omar El Farouq était à sa gauche (qu’Allah les agrée).

Le Sceau (qu’Allah l’agrée) était devant lui (que la prière et la paix d’Allah soient sur lui) et s‘adressait à lui avec la douceur détenue par les femmes et ‘Ali transmettait au Prophète (que la prière et la paix d’Allah soient sur lui) ce que disait si discrètement le Sceau, il était enveloppé du manteau de sa pudeur. Le Prophète (que la prière et la paix d’Allah soient sur lui) se tourna, il me vit derrière le Sceau en raison de notre ressemblance dans le Décret. Le Prophète (que la prière et la paix d’Allah soient sur lui) lui a dit : « Celui-là est ton ami et ton semblable. » »

Certains spécialistes des œuvres d’Ibn ‘Arabi (qu’Allah l’agrée) déclarent que lui-même dans ses écrits ne s’est jamais prétendu être le Sceau de la Sainteté, mais que ce sont ses disciples après lui qui auraient soutenu cette thèse. Ce qui est indéniable, c’est que personne ne peut affirmer unanimement qu’il s’est déclaré être le Sceau de la Sainteté ceci en raison des ambiguïtés se trouvant dans ses propres œuvres littéraires, la profusion de celles-ci ainsi que les dissemblances existantes dans les multiples manuscrits qui lui sont attribués.

Comment prétendre avec conviction qu’il est le Sceau de la Sainteté puisqu’il s’agit d’une station spirituelle non accessible et non perceptible tandis que sur des faits pourtant perceptibles et concrets il existe à son sujet (qu’Allah l’agrée) des doutes et des divergences ? À titre d’exemple, le nombre de ses épouses, certains affirmant selon ses écrits qu’il en avait une alors que d’autres, toujours sur la base de ses écrits, pensent qu’il en avait deux.

Ainsi, il est rapporté dans le livre Rimah de Cheikh ‘Omar Foutiyou (qu’Allah l’agrée) qu’il a trouvé mentionné dans une version qu’il possédait des Foutouhat, qu’Ibn ‘Arabi El Hatimi (qu’Allah l’agrée) a vu une station au-dessus de toutes les stations des Pôles et qu’il n’y avait au-dessus que la station des prophètes et messagers (sur eux la paix). Il a donc pensé que cela lui était réservé, il s’est tranquillisé d’une extrême tranquillité et s’est réjoui au-delà de toute réjouissance puis Ibn ‘Arabi (qu’Allah l’agrée) a récité : « Par nous ALLAH a clôturé la sainteté qui s’est ainsi achevée, Pour nous il n’y aura plus de sceau après, Pas de succès du sceau et de la science pour celui qui est de la communauté de Mohammed sauf pour moi seul. »

Alors qu’il se trouvait encore dans cet état, un héraut l’interpella et lui dit : « Ce que tu pensais et espérais n’est pas pour toi, mais cela est pour un Wali de la fin des temps et il n’y a pas chez ALLAH un Wali plus honoré que lui. » Puis, selon cette version, Ibn ‘Arabi (qu’Allah l’agrée) s’est dit : « Suite à cela je me suis soumis aux affaires de son Créateur et de Celui qui les a façonnées et j’ai fait émerger ce qui est apparu dans ma vue intérieure sur l’invisible afin de découvrir ce Wali, ainsi que sa station, son nom, sa lignée, son pays et la situation de son état, mais ALLAH ne m’a rien laissé voir de lui et je n’ai même pas pu sentir son odeur. »

Le second point est ce qui a été révélé par le Wali Sidi Mokhtar el Kounty (qu’Allah l’agrée) (à l’origine de la Tariqa Kountiya) dans le livre Tara-if wa Tala-id de son fils Sidi Mohamed (qu’Allah l’agrée) : « Le 12ème siècle de l’Hégire ressemblera à maints égards à l’époque du Prophète (que la prière et la paix d’Allah soient sur lui) par plusieurs aspects, le premier c’est dans ce siècle qu’apparaîtra le Sceau de la sainteté Mohamedienne comme était apparu le Sceau des prophètes à l’époque du Prophète (que la prière et la paix d’Allah soient sur lui) […] »

Le troisième point c’est que Seïdina Ahmed Tidjani (qu’Allah sanctifie son précieux secret) est celui qui concorde parfaitement aux deux critères précédents, du lieu (car il résidait à Fès lorsqu’il a atteint cette station) et de l’époque (car il vécut au 12ème siècle de l’Hégire). Et Seïdina Ahmed Tidjani (qu’Allah sanctifie son précieux secret) a révélé : « Le Prophète (que la prière et la paix d’Allah soient sur lui) m’a informé de vive voix que je suis le Pôle caché, cela à l’état de veille et non en rêve. »

Chacun de ses propos lui venait directement du Prophète (que la prière et la paix d’Allah soient sur lui) à l’état de veille, non en songe. Ainsi, il ne s’en tenait pas à affirmer ce qui lui survenait par dévoilement, car le dévoilement peut ne pas être parfait et donc mal interprété. Ce qu’il affirmait ne provenait que de la source la plus sûre qui soit et qui n’est autre que la personne du Prophète, en transmission à l’état de veille (conformément aux prodiges accordés aux Saints) ce qui ne demande aucune interprétation comme cela aurait peut-être été le cas si l’information lui était parvenue en songe. De ce fait, il se peut aussi que la déclaration de certains Wali à la Station de Sceau de la Sainteté ne soit que le résultat de l’apparition de l’esprit du véritable Sceau de la Sainteté dans le miroir de leur être.

Sidi Abdelkarim el Djili (qu’Allah l’agrée) a dit dans son livre l’homme parfait : « J’ai vu le Prophète (que la prière et la paix d’Allah soient sur lui à l’image de Sidi Isma’il Djabarty (qu’Allah l’agrée) et je n’avais pas de doute qu’il s’agissait du Prophète (que la prière et la paix d’Allah soient sur lui) tout comme je n’avais pas de doute que c’était bien Sidi Isma’il Djabarty »

À ce sujet le disciple de l’imam Chibli (qu’Allah l’agrée) a dit : « Je témoigne que tu es bien le Messager d’Allah (que la prière et la paix d’Allah soient sur lui) » L’Imam Chibli (qu’Allah l’agrée) lui répondit : « Je témoigne que je suis le Messager d’Allah (que la prière et la paix d’Allah soient sur lui).»

En effet, Seïdina Ahmed Tidjani (qu’Allah sanctifie son précieux secret) a la possibilité d’apparaître dans des images bien précises à travers l’héritage des prophètes (sur eux la paix). Si l’un parmi les saints prétend avoir la Station du Sceau de la Sainteté ou l’a prétendu pour lui, c’est en raison de l’apparition de l’esprit du Sceau de la Sainteté, qui est Sidi Cheikh Ahmed Tidjani (qu’Allah sanctifie son précieux secret), dans le miroir de son être, c’est ce qui peut expliquer ce qui était répandu au sujet des grands saints comme Mohiedine ibn ‘Arabi, Sidi ‘Ali Khawwas, Sidi Mohamed ibn ‘Othman el Mirghini (qu’Allah les agrée).

Il en est de même en ce qui concerne quelques grands saints qui ont prétendu acquérir la station el Mahdiya c’est-à-dire l’imam Mahdi el Mountadhar (qu’Allah l’agrée), à l’instar de Sidi Ahmed ibn Idriss (qu’Allah l’agrée) qui disait à son époque qu’il était l’Imam Mahdi cela jusqu’à ce qu’il eut une rencontre avec Cheikh El Majdhoub (qu’Allah l’agrée) qui lui dit : « Comment as-tu su cela ? »

Il lui répondit : « C’est mon dévoilement (Kachf) qui m’a permis de l’affirmer. » Alors le Cheikh lui répondit : « Libère ton dévoilement car la situation semble éloignée. »

Lorsqu’il a libéré son dévoilement il a vu en effet que la situation différait de ce qu’il affirmait, ce qui s’est passé en vérité c’est l’apparition de l’esprit du Mahdi (rouhaniyet) dans le miroir de son essence (dhet) car l’Imam el Mahdi (qu’Allah l’agrée) a l’héritage du Prophète (que la prière et la paix d’Allah soient sur lui). Ainsi ils furent à l’image du miroir qui, en raison de l’intensité du reflet du soleil en lui, clama : « Je suis le soleil. » Or l’éclat du Sceau de la Sainteté Mohammadienne est tel que les Pôles sont par rapport à lui ce que le commun des hommes est par rapport aux Pôles.

Le quatrième point à prendre en compte est que Seïdina Ahmed Tidjani (qu’Allah sanctifie son précieux secret) est d’ascendance noble puisqu’il descend du Prophète (que la prière et la paix d’Allah soient sur lui) et Ibn ‘Arabi (qu’Allah l’agrée) a affirmé sur le Sceau de la Sainteté Mohamedienne : «[…] il appartient à un homme de l’occident, d’origine noble […] », or Ibn ‘Arabi (qu’Allah l’agrée) n’est pas d’ascendance Chérifienne. De plus, il est constaté que tous ceux qui jouent un rôle spirituel très élevé ont un lien de parenté avec le Prophète (que la prière et la paix d’Allah soient sur lui).

Ainsi, les quatre Khalifes bien guidés Abou Bakr, ‘Omar étaient liés à lui (que la prière et la paix d’Allah soient sur lui) par l’intermédiaire de leurs filles (Aïcha pour Abou Bakr et Hafsa pour ‘Omar (qu’Allah les agrée)) qui étaient toutes deux épouses du Prophète (que la prière et la paix d’Allah soient sur lui). Quant à ‘Othman et ‘Ali (qu’Allah les agrée) ils étaient liés par l’intermédiaire des filles du Prophète (Roqaya puis Oum Koulthoum pour ‘Othman et Fatima pour ‘Ali (qu’Allah les agrée)). Le Prophète (que la prière et la paix d’Allah soient sur lui) a dit dans un hadith authentique : « […] certes les liens de parenté seront coupés au Jour Dernier, sauf en ce qui concerne mes liens de parentés, mes origines et ceux par alliance. »

De même, il faut savoir que la sainteté est départagée en trois catégories et chacune a son Sceau :

– Il y a la petite sainteté qui sera clôturée par l’Imam Mahdi (qu’Allah l’agrée), descendant du Prophète (que la prière et la paix d’Allah soient sur lui), qui portera le même nom que lui et son père portera le même nom que son père comme mentionné dans plusieurs hadiths.

– Il y a la grande sainteté commune dont le sceau est le prophète Jésus et qui couvre la sainteté allant d’Adam (sur eux tous la paix) jusqu’à Jésus (c’est à dire jusqu’avant l’arrivée du Prophète Mohammed) et Jésus est lié au Prophète (que la prière et la paix d’Allah soient sur lui) car c’est son cousin, tous deux sont descendants d’Abraham (sur eux la paix).

– Et enfin il y a la grande sainteté particulière qui va du Prophète Mohammed (que la prière et la paix d’Allah soient sur lui) jusqu’au Sceau de la Sainteté Mohamedienne et là encore cela ne peut qu’être attribué à un descendant du Prophète comme cela a toujours été le cas conformément aux recommandations que le Prophète (que la prière et la paix d’Allah soient sur lui) a laissées à sa communauté en disant : « Ô gens, je suis sur le point de disparaître subitement. Il me prendra et je m’adresse à vous avant l’Heure et vous m’en excuserez, mais je tenais à vous rappelez que je laisse parmi vous le Livre d’Allah mon Maître le Très-Haut et ma descendance. » (Ibn Hajr l’a rapporté dans Sawa’iq Al Mouhriqa).

Ou encore : « Ma descendance est parmi vous comme l’arche de Noé, qui y monte est sauvé et qui s’en détache se noie. » (Rapporté par El Hakem selon Abou Dhar (qu’Allah l’agrée) dans El Moustadrak)

Le cinquième point à prendre en compte c’est que le signe du Sceau de la Sainteté Mohamedienne est qu’il est caché, cela concerne bien entendu la station spirituelle mais se reflète aussi sur le personnage. Ainsi, si on comparait la notoriété d’Ibn ‘Arabi el Hatimi (qu’Allah l’agrée) au sein du Soufisme et celle d’Ahmed Tidjani (qu’Allah sanctifie son précieux secret), il n’y a aucune hésitation sur le fait qu’Ibn ‘Arabi est beaucoup plus connu qu’Ahmed Tidjani (qu’Allah sanctifie son précieux secret). Beaucoup de gens pensent qu’il ne s’agit que d’un marabout africain, alors que l’apparition de la Tariqa Tidjaniya a révolutionnée le paysage Soufi que ce soit au Maroc, Algérie, Tunisie, Sénégal, Mali, Mauritanie, Nigéria…etc. Son influence est aussi bien historique et géographique que spirituelle. Ainsi, malgré le poids passé et actuel de la Tidjaniya, le personnage du fondateur reste encore un mystère et une énigme et c’est là l’un des signes du Sceau de la Sainteté Mohamedienne.

Recherche et traduction par la Zaouiya Tidjaniya El Koubra d’Europe