Question-réponse 8

Je voudrais avoir des éclaircis sur un probléme qui commence à animer le milieu des intellectuels tidjiane sénégalais sur la question de la femme chrétienne qu’aurait épousé Seïdina Ahmed Tijani (qu’Allah l’agrée) (voir le journal walfadjri du 17/01/2005 page Contribution).

REPONSE

Cher frère, nous sommes enchantés de faire votre connaissance et nous avons bien reçu votre question. Nous n’avons pas réussi à retrouver ce dont vous nous avez parlé dans le journal Walfajri. Mais cela n’est point un problème, nous allons vous informer à ce sujet, car malheureusement beaucoup de gens se permettent de transformer des faits véridiques en histoires utopiques et mensongères pour le seul plaisir de médire et calomnier.

Mais le croyant se doit de se rappeler ce qu’Allah (qu’Il soit Glorifié et Exalté) dit : « Ne te laisse pas aller à ce dont tu n’as aucune science » (Sourate 17 Le voyage nocturne, verset 36).

Et le Prophète (que la prière et la paix d’Allah soient sur lui) a dit : « Il suffit à l’homme pour être menteur de rapporter tout ce qu’il entend » (Rapporté par Mouslim).

Allah (qu’Il soit Glorifié et Exalté) dit : « Ceux qui aimeraient que la réputation d’immoralité se répande au sujet de ceux qui ont cru ont des tourments douloureux dans ce monde et dans l’autre » (Sourate 24 La lumière, verset 19) 

Allah (qu’Il soit Glorifié et Exalté) dit aussi : « Ceux qui font du tort aux croyants et aux croyantes sans qu’ils n’aient rien fait, se sont réellement chargés d’un mensonge effronté et d’un péché évident » (Sourate 33 Les coalisés, verset 58).

Donc, afin d’éviter de tomber dans de tels péchés et d’en préserver nos coreligionnaires, il faut les instruire sur la réalité des faits.

Concernant cette histoire il faut tout d’abord retracer le cadre historique et remettre chaque personnage dans le rôle qui lui revient historiquement. Or, avant toute chose, le personnage qui s’est marié avec Aurélie Picard n’est pas Seïdina Ahmed Tijani (qu’Allah sanctifie son précieux secret), le Cheikh de cette voie, mais son petit-fils Sidi Ahmed ‘Ammar fils de Sidi Mohamed El Habib fils de Seïdina Ahmed Tijani (qu’Allah sanctifie son précieux secret).

Sidi Mohamed El Habib, fils Seïdina Ahmed Tijani (qu’Allah sanctifie son précieux secret), décéda après avoir formulé le désir de ne jamais voir le visage des chrétiens (les colonisateurs) qui venaient de s’installer depuis peu à Laghouat et qui lui avaient envoyé des convocations. Son confident Sidi Ahmed Abdelaoui a rapporté : « […] Puis lorsque je le rencontrai, il me dit : « Je demande à Allah de ne jamais me faire voir le visage des chrétiens (c’est-à-dire les colonisateurs) et de ne jamais recevoir une lettre d’eux ». Il ne s’est pas passé quatre jours qu’Allah lui reprit son âme bénie » (Rafa’ Niqab du Qadi Hajj Soukeïrij). À sa mort, il laissa Sidi Ahmed ‘Ammar qui n’avait alors qu’environ trois ans et de ce fait, il lui était impossible de reprendre la relève immédiate de son père.

Les Français surveillaient de près ce futur chef des tribus sahariennes et ils ne lui laissèrent aucune occasion de pouvoir prendre les rênes de l’autorité qui lui revenaient de plein droit. Ils l’écartèrent très jeune en le plaçant loin de chez lui en résidence surveillée dans la ville d’Alger alors qu’il avait moins de seize ans.

Mais cela ne suffisait pas à les rassurer alors ils n’hésitèrent pas à l’envoyer en déportation en France, dans la ville de Bordeaux. Ils ont voulu anéantir en lui tout désir et capacité de gouverner, mais Dieu dans Sa science infinie et Son ultime sagesse voulait lui octroyer une aide et un conseiller loyal et dévoué incarné en la personne de la jeune Aurélie Picard afin de lui donner un atout unique et impensable pour l’époque.

D’un côté un dignitaire et chef religieux musulman originaire des étendues désertiques et retenu en détention surveillée dans un grand hôtel de Bordeaux en pays ennemi, et de l’autre, une jeune Française. Jeune certes, mais d’une expérience courageuse et dévouée ne connaissant rien à la culture de ces habitants d’un autre horizon souvent décrié comme barbare par les siens.

Deux mondes opposés qu’Allah allait lier par une alchimie et une harmonie toute particulière capable d’affronter toutes les hostilités et les objections. Devant ce tableau, comment ne pas penser à cette alliance Divine qui avait uni son noble aïeul le Prophète (que la prière et la paix d’Allah soient sur lui) avec la dévouée Khadidja (qu’Allah l’agrée), alliance qui fut la première marche solide sur laquelle put s’appuyer la mission prophétique.

Aussi bien Ahmed ‘Ammar qu’Aurélie Picard ont su en croisant leur regard qu’ils avaient un destin à écrire ensemble, et aucune contestation, ni aucun ouï-dire, aucun préjugés ou parti pris ne pouvaient faire échouer le plan Divin. D’un seul regard Sidi Ahmed ‘Ammar (qu’Allah l’agrée) demanda sa main à son père qui ne pouvait décider pour sa fille. Or quand celle-ci fut interrogée sur sa décision, avec grand étonnement, elle consentit à suivre cet appel intérieur qui la poussait à suivre sa destinée en compagnie de Sidi Ahmed ‘Ammar Tidjani (qu’Allah l’agrée).

Il n’est pas nécessaire de mentionner que ce mariage invraisemblable allait susciter toutes les spéculations les plus fantaisistes, bien qu’il n’y ait aucune réprobation religieuse le réprouvant au point de vue de la loi musulmane, et ce, même si elle décidait de rester chrétienne ce qui ne fut pas le cas. Mais cela était surtout en raison du climat politique et du contexte conflictuel de l’époque qui opposait deux mondes, n’acceptant qu’aucun pont ne soit érigé entre eux. Pourtant Sidi Ahmed ‘Ammar, noble descendant du Prophète (que la prière et la paix d’Allah soient sur lui) et Aurélie la jeune Lorraine allait symboliser ce pont.

Par conséquent, et malgré tout cela, le mariage fut célébré selon les préceptes de la loi musulmane et le père d’Aurélie s’y conforma (nous possédons ce certificat de mariage que vous trouverez en bas de page et qui comporte la mention de son père en français : « j’accepte ce mariage musulman »). Ainsi, Aurélie Picard devint légitimement l’épouse de Sidi Ahmed ‘Ammar Tidjani (qu’Allah l’agrée) et portera son nom de conversion Lalla Amina.

Ensemble, ils devront affronter à la fois l’administration française de l’époque et les tribus hostiles, mais elle resta fidèlement à ses côtés, lui apportant son soutien et son expérience. Elle fit énormément pour la région de ‘Aïn Madhi et ses habitants, elle fut la cause d’un souffle salutaire. D’ailleurs, elle laissa depuis une emprunte indélébile et c’est toujours avec un profond respect que les habitants de cette région évoquent l’histoire de cette grande dame qui a embrassé la cause de son mari et de la Tariqa Tidjaniya et qui s’est voué avec abnégation, sans jamais faiblir.

Sa fidélité fut telle qu’elle sera enterrée à côté du mausolée de son époux dans le cimetière qui renferme les membres de la famille Tidjani à Kourdane (dans le département de Laghouat en Algérie) et il fut inscrit sur sa tombe :

« Ici se trouve la tombe de Mme Aurélie épouse du Cheikh Ahmed ‘Ammar petit-fils du GhaouthSidi Ahmed Tijani. Décédée avec la foi musulmane par l’attestation de tous les Musulmans qui l’ont connu dans la Zaouiya de Kourdane, Agée de 84 ans, le lundi 28 Août 1933. »

Zaouiya Tidjaniya El Koubra d’Europe