Question-réponse 86

Qu’est ce que la science qu’on doit rechercher pour aller vers Allah ? Faut-il nécessairement un maître, une voie ?

Partie 2

REPONSE :

Nous avons vu précédemment qu’Allah a donné une science apparente (Chari’a) et révèle une science cachée, tous deux sont tirés des enseignements apparents et profonds du Coran et de la Sounna. Or, la Connaissance (El Ma’rifa) est une science cachée au plus profond de chaque être humain. En effet, elle est accessible à tous ceux qui suivront l’enseignement et les pas d’un guide spirituel et maître authentique, qui a déjà emprunté le chemin. Ce dernier, illuminé par cette Connaissance, connait les pièges et les ruses qui se cachent dans la voie qui mène à Allah (qu’Il soit Glorifié et Exalté), la grâce Divine aidant.

Ces guides spirituels et maîtres authentiques sont les protégés d’Allah (Awliya), les saints (Salihin) sur qui se déversent les grâces d’Allah, Sa miséricorde et Sa guidée. Ils sont les lieutenants bien guidés d’Allah (qu’Il soit Glorifié et Exalté) et de Son Prophète (que la prière et la paix d’Allah soient sur lui). Ils font partie des rapprochés (Mouqaraboun) et sont les véritables gardiens de l’authenticité de la foi et ses rénovateurs.

Allah (qu’Il soit Glorifié et Exalté) dit : « […] C’est lui qui se charge de la protection des saints (Salihin). » (Sourate 7 Al-Araf, verset 196)

Allah (qu’Il soit Glorifié et Exalté) dit : « (62) En vérité, les Awliya d’Allah seront à l’abri de toute crainte, et ils ne seront point affligés (63) Ceux qui croient et qui craignent Allah. (64) Il y a pour eux une bonne annonce dans la vie d’ici-bas tout comme dans la vie ultime. Il n’y aura pas de changement aux paroles d’Allah. Voilà l’énorme succès. » (Sourate 10 Jonas, versets 62-64)

Allah (qu’Il soit Glorifié et Exalté) dit : « (88) Si celui-ci est du nombre des rapprochés (Mouqaraboun) (89) alors (il aura) du repos, de la grâce et un jardin de délice. » (Sourate 56 L’évènement, versets 88 et 89)

Certains affirment faussement qu’il n’est pas nécessaire d’avoir un guide spirituel pour cheminer jusqu’à Allah (qu’Il soit Glorifié et Exalté) et qu’il suffit de suivre le Qoran et la Sounna. Or le Qoran est le premier à réfuter leurs affirmations. En effet, c’est Allah (qu’Il soit Glorifié et Exalté) qui ordonne dans le Qoran : « Ô vous qui croyez ! Craignez Allah et soyez avec les véridiques » (Sourate 9 Tawbah, verset 119)

Et encore : « Et suis le sentier de celui qui se tourne vers Moi » (Sourate 31 Loqman, verset 15)

Et encore Sa parole : « Fais preuve de patience (en restant) avec ceux qui invoquent leur Seigneur matin et soir, désirant Sa Face. Et que tes yeux ne se détachent point d’eux, en cherchant (le faux) brillant de la vie sur terre. Et n’obéis pas à celui dont Nous avons rendu le cœur inattentif à Notre Rappel (à l’invocation de Dieu), qui poursuit sa passion et dont le comportement est outrancier » (Sourate 18 La caverne, verset 28)

Le Prophète (que la prière et la paix d’Allah soient sur lui) a dit selon Abou Hourayra (qu’Allah l’agrée) : « L’homme suit la religion de son compagnon »

Ibn Abbas (qu’Allah l’agrée) rapporte : « Quelqu’un demanda : « Ô Prophète, quelle est la meilleure personne auprès de laquelle on s’assoit ? Il dit (que la prière et la paix d’Allah soient sur lui) : « Celui dont la vue vous rappelle Dieu, dont les paroles ajoutent à votre science et dont les actes vous rappellent l’au-delà. »

Si ces mêmes personnes qui réfutent la nécessité d’un guide sont abandonnées au milieu d’une grande ville qu’ils ne connaissent pas, avec un plan qu’ils ne comprennent pas, ils n’espéreront trouver leur chemin et arriver à leur destination qu’avec l’aide d’un guide connaissant la ville et ses raccourcis, les endroits à éviter et ceux à ne pas fréquenter. Ceux qui n’arrivent pas à concevoir cela pour un endroit de ce bas-monde palpable et limité, comment peuvent-ils le concevoir pour le domaine des Réalités Divines lumineux et illimité ?

Ils sont convaincus, d’où leur erreur, que la compréhension du Qoran dépend seulement des capacités intellectuelles d’une personne et de l’accumulation des connaissances exotériques. Ils omettent l’éducation intérieure de l’âme corrompue et la pureté du cœur, alors que seul un cœur illuminé peut capter la lumière du Qoran.

Allah (qu’Il soit Glorifié et Exalté) le Très Haut dit en parlant de Sa parole révélée : « Il consiste plutôt en des versets évidents, (préservés) dans les poitrines de ceux à qui le savoir a été donné » (Sourate 29 L’araignée, verset 49).

Tout le monde a des yeux, mais seuls ceux qu’Allah a dotés de la lumière de la vue sont capables de voir la lumière du soleil. Quant aux aveugles, malgré leurs yeux et malgré l’éclat du soleil, ils ne perçoivent que l’obscurité.

L’Imam Malik (qu’Allah l’agrée) a dit : « La science n’est pas l’accumulation de versions, mais c’est une lumière qu’Allah met dans le cœur de celui qu’Il veut. »

Le savant et Chérif Ibn ‘Ajiba Al Hasani (qu’Allah l’agrée) ajoute : « Sache que cette science (le soufisme) n’est pas quelque chose qui s’exprime par des mots (par le langage), mais la science du Tassawuf est une science des goûts et des états spirituels. Elle ne peut guère être acquise à partir des écrits (ce n’est pas une science livresque), mais elle s’acquiert par le compagnonnage des gens qui connaissent ses goûts et ses états. Elle ne peut être obtenue par la parole (par les dires), mais elle est obtenue par le service des frères et l’accompagnement des gens de la perfection. Par Dieu, n’a réussi celui qui a réussi que par le compagnonnage de ceux qui ont réussi (auprès de Dieu). »

Ainsi ces hommes, favorisés par la grâce divine, sont intimement liés à cette science. S’ils disparaissent alors la science disparaît même s’il reste les livres, les explications, que cela soit appris ou transmis par la suite. D’ailleurs le Prophète (que la prière et la paix d’Allah soient sur lui) et ses compagnons (qu’Allah les agrée) ont expliqué ce lien de la science avec ses porteurs :

« Un jour le Prophète (que la prière et la paix d’Allah soient sur lui) regarda le ciel et dit : « Voici le temps où la science sera enlevée. » « Ô messager d’Allah ! dit un homme des Ançars nommé Ibn Lébid, comment la science sera-t-elle enlevée alors qu’elle est gardée dans le livre et assimilée ? » « Je te considérais comme un des meilleurs connaisseurs de Médine » puis il évoqua (que la prière et la paix d’Allah soient sur lui) l’égarement des juifs et des chrétiens malgré le Livre d’Allah qu’ils détenaient. »

Nous avons évoqué précédemment Chadded qui disait que la science sera enlevée par l’enlèvement de ses contenants et Ibn Abbas (qu’Allah les agrée) qui a dit : « Savez-vous comment a lieu la disparition de la science ? C’est la disparition des savants de la terre. »

Quand Zeid Ibn Thabit (qu’Allah l’agrée) fut enterré, Ibn Abbas (qu’Allah l’agrée) dit : « À tous les présents ! Quiconque veut savoir comment disparaît la science, c’est ainsi qu’elle disparaît. Par Allah ! Aujourd’hui, beaucoup de science a disparu. »

Certainement, Allah Seul (qu’Il soit Glorifié et Exalté) est apte et peut guider, même les prophètes et messagers (sur eux la paix) n’ont pas ce pouvoir. Cependant, Allah (qu’Il soit Glorifié et Exalté), dans Sa sagesse, a utilisé des causes à la fois pour l’égarement (Iblis et ses soldats) et pour la guidée (les prophètes et leurs héritiers). En parlant du Prophète (que la prière et la paix d’Allah soient sur lui), Allah (qu’Il soit Glorifié et Exalté) dit dans le Coran : « Et certes tu guides dans un chemin droit » (Sourate 42 La consultation, verset 52)

Et le Prophète (que la prière et la paix d’Allah soient sur lui) a dit à ‘Ali (qu’Allah l’agrée) : « Par Allah ! Si Allah guide par ton intermédiaire une seule personne, c’est mieux pour toi qu’un troupeau de chameaux roux. »

Ainsi le Prophète (que la prière et la paix d’Allah soient sur lui) lui-même avait un maître, un guide pour lui enseigner, et ce, malgré sa supériorité sur toutes les créatures. Son maître n’était autre que Djibril, Allah (qu’Il soit Glorifié et Exalté) dit dans le Coran : « Il lui a enseigné celui à la force immense (Djibril) » (Sourate 53 L’Etoile, verset 5)

De même, nous avons déjà mentionné le récit d’El khadir et du prophète Moussa (sur lui la paix) qu’Allah mentionne dans la Sourate « La Caverne ». En effet, Moussa (sur lui la paix), qui faisait partie des grands prophètes et qui pouvait parler directement avec Allah (qu’Il soit Glorifié et Exalté), fut conduit vers El Khadir, et ce, afin de recueillir une science que Moussa (sur lui la paix) n’avait pas : « (65) Ils trouvèrent (Moussa et son valet) l’un de nos serviteurs (El Khadir) à qui Nous avions donné une miséricorde de Notre part, et à qui Nous avions enseigné une science émanant de Nous. (66) Moussa lui dit : « Puis-je te suivre pour que tu m’apprennes de ce qu’on t’a appris concernant une bonne direction ? » (Sourate 18 La caverne, verset 65)

Donc, si Moussa (sur lui la paix), un prophète messager qui communiquait directement avec Allah, a reçu l’ordre de se faire le disciple d’un maître pour pouvoir recueillir cette science émanant d’Allah (qu’Il soit Glorifié et Exalté), alors qu’en est-il de nous pauvres pécheurs que nous sommes.

Le Prophète (que la prière et la paix d’Allah soient sur lui) nous a raconté, dans un hadith rapporté par Mouslim, l’histoire du Ghoulem, un jeune garçon qui vivait à l’époque d’un roi despotique, et qui s’était fait le disciple d’un moine. Ce jeune garçon lorsqu’il arriva au terme de son initiation avec son maître spirituel, fut doué de « Karamat » (Miracles des saints) qu’il utilisa pour propager la foi en Allah dans le cœur de son peuple.

Il fut demandé à Ahmed Yasari (célèbre maître du Turkestan) : « Instruis-moi sans livres et fais que j’apprenne à comprendre sans la présence d’un maître, car les humains sont fragiles et la lecture des textes ne m’éclaire pas. »

Yasari répondit : « Crois-tu pouvoir manger sans te servir de ta bouche ? Pourrais-tu digérer sans estomac ? Peut-être aimerais-tu marcher sans pieds et acheter sans payer ? Je ne pourrais faire ce que tu me demandes de faire que lorsque tu pourras toi-même te passer d’organes physiques, toi qui souhaites pouvoir te passer de ce qui a été prévu pour les organes spirituels. »

Parmi les douze obligations qu’Ibn ‘Arabi (qu’Allah l’agrée) rend nécessaires à toute personne voulant emprunter le chemin qui mène à Allah sans quoi une personne « n’est pas un vrai disciple et ne parviendra à rien » la première est : « La première de ces obligations est la recherche d’un Cheikh et une fois celui-ci trouvé sa vénération, puis l’engagement envers lui, par le pacte initiatique (Bay’a) pour le meilleur et pour le pire. »

Allah (qu’Il soit Glorifié et Exalté) nous montre à travers le Qoran qu’il y a toujours eu des guides qui ont l’aide d’Allah avec eux tant qu’il respecte le pacte qu’il y a entre eux et leur Seigneur, en effet Allah (qu’Il soit Glorifié et Exalté) en parlant des fils d’Israël a dit :

« Allah prit effectivement sur les fils d’Israël leur pacte, Nous nommâmes d’entre eux douze chefs et Allah dit : « Je suis avec vous si […] » (Sourate 05 La Table servie, Verset 12)

« Nous fîmes d’entre eux des guides mettant sur la bonne voie par Notre ordre lorsqu’ils se montrèrent patients et parce qu’ils croyaient avec conviction à Nos signes » (Sourate 32 La prosternation, verset 24)

Ainsi les fils d’Israël eurent droit à des guides malgré le fait qu’il leur fut envoyé prophète après prophète (sur eux la paix). Que dire alors de la communauté du dernier des Prophètes (que la prière et la paix d’Allah soient sur lui), la meilleure des communautés, Allah l’aurait-elle laissé à l’abandon jusqu’au jour du Jugement Dernier ? Non bien sûr, Allah (qu’Il soit Glorifié et Exalté) a placé dans cette communauté des guides pour permettre, à ceux qui le veulent sincèrement, de réformer leur intérieur, pour pouvoir Le connaître et y arriver.

Allah (qu’Il soit Glorifié et Exalté) dit : « Parmi ceux que Nous avons créé, il y a une communauté qui guide par la vérité et le bon droit […]» (Sourate 7 Al-Araf, verset 181)

Le Prophète (que la prière et la paix d’Allah soient sur lui) a dit : « Allah envoie à la tête de chaque siècle quelqu’un pour revivifier la religion. »

Celui qui prétend aimer Allah (qu’Il soit Glorifié et Exalté) et qui veut cheminer vers Lui avec sincérité, celui-là se doit alors de faire un pacte d’allégeance (ou Bay’a) auprès d’un de ces guides spirituels afin de recevoir le flux spirituel (ou lumière prophétique appelée « Baraka » que le Prophète (que la prière et la paix d’Allah soient sur lui) a transmise à l’Imam ‘Ali et au véridique Abou Bakr (qu’Allah les agrée) et qui s’est transmis auprès des maîtres authentiques jusqu’à nos jours). Le pacte engage le disciple à suivre son maître avec obéissance, à travers l’enseignement et l’éducation qu’il va lui dispenser, et ceci lui permettra de transcender et dépasser les manifestations du Nefs (âme corrompue) qui constituent le voile majeur entre nous et Allah.

Le pacte ou Bay’a fut et reste avant tout un acte spirituel institué par le Prophète (que la prière et la paix d’Allah soient sur lui) et suivi en cela par les pieux khalifes bien guidés (bien qu’au cours de l’histoire certains détenteurs du pouvoir temporel n’en ont gardé l’acte que dans un sens politique). Le pacte représente l’attachement et l’obéissance du disciple à la personne qui est chargé de le guider et l’éduquer, donc ce pacte est une orientation spirituelle, comme l’est la Kaaba, envers celui qui représente l’autorité d’Allah (qu’Il soit Glorifié et Exalté) et du prophète (que la prière et la paix d’Allah soient sur lui). Ainsi, si un disciple s’attache à son Cheikh par un pacte, ce n’est pas en vue de l’adorer, comme certains détracteurs le clament, mais c’est afin de s’orienter tout comme les musulmans prient en ayant pour repère la Kaaba (à la Mecque), ce n’est pas une adoration de cet édifice sacré, mais une orientation.

Une fois que le Pacte est fait envers le maître alors lui obéir c’est obéir à Allah (qu’Il soit Glorifié et Exalté) et à son Prophète (que la prière et la paix d’Allah soient sur lui) et lui désobéir c’est désobéir à Allah (qu’Il soit Glorifié et Exalté) et à son Prophète (que la prière et la paix d’Allah soient sur lui) dans le cadre de la Loi bien entendu. Quand le pacte se fait, c’est en fait dans les mains d’Allah (qu’Il soit Glorifié et Exalté) qu’il se fait comme embrasser la pierre noire signifie embrasser la main d’Allah, comme l’a dit le Prophète (que la prière et la paix d’Allah soient sur lui) dans un hadith, et comme cela est mentionné aussi dans la parole d’Allah envers ceux qui prêtèrent serment au Prophète (que la prière et la paix d’Allah soient sur lui) :

Allah (qu’Il soit Glorifié et Exalté) dit : « Ceux qui te prêtent serment d’allégeance ne font que prêter serment à Allah, la Main d’Allah est au-dessus de leur main […] » (Sourate 48 La victoire éclatante, verset 10)

Le serment d’allégeance ou pacte que l’ont fait auprès des maîtres authentiques, n’est rien d’autre que le renouvellement du pacte primordial qui eut lieu au monde des âmes (Baït El Arwah) auprès de la Présence Divine.

Allah (qu’Il soit Glorifié et Exalté) dit : « Et quand Ton Seigneur tira une descendance des reins des fils d’Adam et les fit témoigner sur eux-mêmes : « Ne suis-Je pas votre seigneur ? » Ils répondirent : « Mais si, nous en témoignons… » […] » (Sourate 7 Al-Araf, verset 172)

Ainsi ce serment renouvelé sur terre, auprès des lieutenants d’Allah, est accompagné de bienfaits spirituels énormes, tel que l’agrément d’Allah.

Allah (qu’Il soit Glorifié et Exalté) dit : « Allah a très certainement agrée les croyants quand ils t’ont prêté le serment d’allégeance sous l’arbre […] » (Sourate 48 La victoire éclatante, verset 18)

Il y a encore la descente de la quiétude (Sakina) dans leur cœur ce qui permet d’augmenter la foi.

Allah (qu’Il soit Glorifié et Exalté) dit : « C’est Lui qui a fait descendre la quiétude (Sakina) dans les cœurs des croyants afin qu’ils ajoutent une foi à leur foi » (Sourate 48 La victoire éclatante, verset 4)

Et également : « […] Il a su ce qu’il y avait dans leurs cœurs et a fait descendre sur eux la quiétude (Sakina) […] » (Sourate 48 La victoire éclatante, verset 18)

Nous avons vu le bienfait qu’Allah rattache au pacte, mais il y a aussi des méfaits pour celui qui s’en détourne. En effet cette personne ne pourra pas entamer son effort intérieur, elle suivra donc les penchants de son Nafs (âme corrompue) et restera voilé dans son cœur, aveugle, sourd et muet et ne pourra recueillir la Connaissance. Elle s’attachera peut-être aux signes extérieurs de la religion, mais en négligera ses implications intérieures et profondes et si elle meurt ainsi, elle mourra en état d’ignorance et c’est aussi pour cela que le Prophète (que la prière et la paix d’Allah soient sur lui) a dit : « Celui qui rompt son pacte d’allégeance trouvera Allah le jour de la résurrection alors qu’il n’a aucun argument, celui qui meurt sans avoir fait un pacte d’allégeance meurt en état d’ignorance. » (Mouslim)

Allah (qu’Il soit Glorifié et Exalté) dit : « Tenez vos engagements pris au nom d’Allah une fois que vous vous y êtes engagés […] » (Sourate 16 Les abeilles, verset 91)

Allah (qu’Il soit Glorifié et Exalté) dit : « […] Respectez vos serments, car On vous en demandera certainement compte. » (Sourate 17 Le voyage nocturne, verset 34)

Le grand saint Abou Yazid Bistami (qu’Allah l’agrée) a dit : « Celui qui n’a pas de maître, son guide est Satan. » C’est-à-dire que son âme corrompue restera le jouet de Satan et de ses insufflations démoniaques pour le détourner de la véritable adoration d’Allah. Ainsi ce combat intérieur qui permet à l’individu de dévoiler son cœur, lui permettant d’avoir la compréhension vraie et d’atteindre la vérité, échappant par la même à l’emprise idolâtre de son Nafs, ce combat n’est possible que sous l’égide d’un maître doté de la permission particulière (Idhnoul Khass).

Allah (qu’Il soit Glorifié et Exalté) dit : « N’ont-ils pas parcouru la terre afin d’avoir des cœurs pour comprendre ou des oreilles pour entendre ? Car ce qui devient réellement aveugle ce ne sont pas les yeux, mais ce sont les cœurs qui sont dans les poitrines ? » (Sourate 22 Le pèlerinage, verset 46)

Les guides, représentants d’Allah et de son Prophète (que la prière et la paix d’Allah soient sur lui), sont de nature et de comportement parfois diamétralement opposé, qui varient en fonction du contexte où ils vivent et de leur mission, mais toujours en harmonie avec la Sagesse Divine.

Le Cheikh Yahya Munir disait : « Il n’y a pas chez les maîtres de comportement uniforme. L’un mange et dort bien, l’autre jeûne et veille toute la nuit. L’un peut passer son temps avec les gens, l’autre se tenir à l’écart. L’un est vêtu de haillons, l’autre de soie et de linge fin, un autre est silencieux, un autre encore parle avec animation. L’un cachera sa sainteté, l’autre la révèlera au grand aux yeux de tous. Un autre servira tous les êtres humains, qu’ils soient dévots ou débauchés, un autre refusera de côtoyer le mal. »

Il fut demandé à un sage pourquoi les maîtres soufis adoptent des comportements aussi différents, il répondit : « Ils adoptent le comportement qu’ils jugent nécessaires à l’accomplissement de leur tâche. Vous pouvez donc vous attendre à une gamme étendue de comportement […] le même individu peut adopter à différents moments des attitudes différentes. »

Le lien qui unit le disciple à son maître est un rapport de patience et de confiance. C’est ce rapport Patience-Confiance qui lie la créature à son Créateur et qui se profile dans la relation qui liait le Prophète (que la prière et la paix d’Allah soient sur lui) à ses compagnons (qu’Allah les agrée), et ce, durant toute la durée de sa mission. Sans ce rapport Patience-Confiance, l’éducation n’est pas possible, l’obéissance ne sera pas parfaite et ce qui a poussé Iblis à désobéir à Son Seigneur à l’origine des temps, poussera le disciple de la même manière tout en méconnaissant l’enseignement du guide.

Quelqu’un demanda à un soufi : « Des expériences de toute ta vie, quelle est celle qui t’a le plus marqué, le plus appris et dont l’effet s’est fait le plus sentir ? »

Il répondit : « L’expérience que je vais rapporter m’a tout appris sur ce que je savais déjà, mais ne comprenais pas, et elle reste pour moi la leçon des leçons. Auparavant j’étais du nombre des « ignorants instruits », je passais pour savant et me prenais moi-même pour un sage. Après cela, j’étais celui qui a compris. J’avais décidé d’aller voir le grand sage de Chihil-Tan. Les intrigues des petits esprits avaient fini par monter les gens contre lui et quand j’arrivai, une foule hurlante se pressait devant sa maison. La populace aboyait comme une meute lancée sur sa proie. Alors il sortit sur son balcon et se tint là immobile, sans répondre. Un homme se mit à l’injurier plus fort que tous les autres, ce qui eut pour effet de faire taire la foule. D’abord ils écoutèrent bouche bée leur chacal en chef puis ils semblèrent mal à l’aise, comme frappés de stupeur devant tant de violence, enfin tandis que le sage gardait toujours le silence, ils commencèrent à murmurer contre cet homme qui était encore quelques minutes auparavant leur porte-parole.

Je pensais : « C’est sûrement un miracle, Dieu se sert de Ses ennemis pour venir en aide à Ses amis. Mais que va-t-il advenir du meneur qui est maintenant en passe de devenir le bouc émissaire de la populace ? » Alors, tandis que la foule commençait à huer le meneur, je vis le sage de Chihil-tan s’avancer et lui assener un coup. Je me dis : « Il est regrettable qu’il n’ait pas su se maîtriser au moment de la victoire. » Mais la foule se dispersa et je quittai les lieux sans rendre visite au sage, car je ne savais plus que penser.

J’errai depuis une heure ou deux quand j’aperçus un pauvre derviche au bord de la route, un bol de lait caillé devant lui. Il m’offrit de partager son repas et je m’assis à ses côtés. Il avait lu dans mes pensées tandis que je mangeais, car il me dit au bout de quelques minutes : « Homme sans foi et sans merci ! Tu te demandes pourquoi le sage de Chihil-tan n’a pas su garder son calme et pour quelle raison il a frappé son tourmenteur annulant par là même, à tes yeux, sa réputation de maîtrise de soi. Sache, ô juge ignorant des apparences, que la réalité est différente de ce que tu t’imagines : ce qui te semble un fait n’est que pure imagination !

Le sage a frappé cet homme : c’est le seul et unique fait, son intention, en revanche, n’est pas un fait visible, mais une construction de ton esprit perverti ! Il a frappé l’homme pour dissiper la foule, s’il ne l’avait pas fait, c’est elle qui aurait l’instant d’après attaqué son persécuteur. En le frappant, il a donné satisfaction au goût immodéré de la populace pour le spectacle du châtiment. L’agresseur n’a eu aucun mal, la vérité c’est qu’il a été protégé de la fureur de la foule qui, sans cela, l’eût mis en pièce.

Alors tu vois : ce qui semblait un acte de violence et était effectivement un coup, était le seul moyen de préserver la vie de l’agresseur. Tant que tu ne sauras pas voir ces choses et les voir dans ton cœur, tu ne seras pas l’un des élus et tu joueras tel l’enfant qui gaspille des fruits secs, et cela, tu l’appelleras savoir ou jugement ou connaissance, mais tu n’auras pas la compréhension et tu resteras à jamais un animal, à moins que tu apprennes et que tu apprennes et que tu apprennes. »

Je l’interrompis : « Si l’on devait adopter ce principe et donc s’abstenir de juger selon les apparences, toutes sortes d’actions irresponsables pourraient être commises ou nom de la sainteté et tous les coquins de la terre auraient alors toute licence d’agir à leur guise, et tout le monde prendrait fin ! »

Le pauvre me regarda, puis il rit, puis il pleura : « Ô frère à la bonne mine ! dit-il enfin. N’as-tu pas remarqué que le monde touche déjà à sa fin et que ceux qui croient faire le bien et auxquels perception et compréhension font défaut sont précisément ceux qui précipitent sa fin ? Cependant tu ne vois pas et en fait, tu désires contribuer au processus. Ne te mêle pas de cela, et plutôt que de te faire une spécialité de l’examen minutieux des apparences, efforce-toi d’atteindre la compréhension du sens des évènements ! »

Les guides spirituels authentiques sont les sujets de la faveur divine, c’est un choix d’Allah (qu’Il soit Glorifié et Exalté) tiré de Sa Prescience et de Sa Sagesse auquel l’être humain n’a aucune part de décision. Or l’être humain est un grand contestateur, il rejette, souvent par orgueil, tout ce qui ne satisfait pas sa vision des choses, basée trop souvent sur l’apparence. Ainsi le rejet des prophètes (sur eux la paix), par leur communauté, est systématique et Allah (qu’Il soit Glorifié et Exalté) nous en donne le témoignage dans le Qoran :

« Ils dirent : « Que n’a t’on fait descendre sur lui un ange ? […]» (Sourate 06 Les bestiaux, verset 08)

« […] Si Nous avions fait un ange, Nous lui aurions sûrement donné une apparence humaine et Nous leur aurions brouillé la Vérité comme ils la brouillent eux-mêmes. » (Sourate 06 Les bestiaux, verset 09)

– « (75) Les dignitaires de son peuple qui s’étaient enorgueillis dirent à ceux qui avaient été victimes de leur propre faiblesse : « Savez-vous que Salih est envoyé de la part de son Seigneur ? » Ils dirent : « Nous sommes pleinement croyants en l’objet de sa mission. » (76) Ceux qui s’étaient enorgueillis dirent : « Nous renions absolument ce en quoi vous avez cru. » » (Sourate 07 Al-Araf, versets 75-76)

« (12)Tu voudrais bien délaisser une partie de ce qui t’est inspiré et il se peut que ta poitrine se sente à l’étroit de les entendre dire : « Que ne fût descendu sur lui un trésor ou que ne fût venu avec lui un ange ! » Or tu n’es qu’un avertisseur et Dieu veille aux affaires de toutes choses. (13) Ou bien ils disent : « Il l’a forgé de toutes pièces » […] » (Sourate 11 Hud, versets 12-13)

– « Les personnalités marquantes de son peuple (à Noé) qui avaient renié dirent : « Nous ne voyons en toi qu’un être semblable à nous et nous ne te voyons suivi que de ceux qui, à première vue, sont nos plus humbles. De plus nous ne vous voyons jouir d’aucune supériorité sur nous, mais nous vous croyons plutôt des menteurs. » (Sourate 11 Hud, verset 27)

– « (90) Ils dirent : « Jamais nous ne t’ajouterons foi jusqu’à ce que tu nous fasses jaillir de terre une source intarissable, (91) ou que tu aies un jardin de palmiers et de vigne et qu’à travers eux tu fasses couler abondamment les rivières, (92) ou que tu fasses tomber sur nous, comme tu l’as prétendu, le ciel en morceaux ou que tu nous amènes Dieu et les anges d’une façon bien visible, (93) ou que tu disposes d’une maison en or et autres choses précieuses, ou que tu t’élèves dans le ciel et nous ne croirons jamais à ton Ascension jusqu’à ce que tu fasses descendre sur nous un livre que nous lisions » Dis : « Gloire et Pureté à mon Seigneur ! Ai-je donc été autre chose qu’un être humain messager ? » (94) Et qu’est-ce qui a empêché les gens de croire lorsque leur vint la bonne direction si ce n’est qu’ils ont dit : « Est-ce que Dieu a envoyé un simple humain comme messager ? » » (Sourate 17 Le voyage nocturne, versets 90-94)

– « (24) Les notables de son peuple qui avaient mécru dirent : « Ce n’est là qu’un être humain comme vous, voulant se distinguer à votre détriment. Si Dieu avait voulu, Il aurait fait descendre des anges. Nous n’avons entendu rien de tel parmi nos premiers ancêtres. (25) Ce n’est en vérité qu’un homme atteint de démence. Attendez un peu pour voir ce qui va lui arriver. » (Sourate 23 Les croyants, versets 24-25)

“(07) « Ils dirent : « Qu’a donc ce messager à manger de ce que nous mangeons et à circuler dans les marchés ? Que ne lui a-t-on descendu un ange pour qu’il soit avec lui un avertisseur ? (08) Que ne lui jette-t-on un trésor ou que n’a-t-il en sa possession un jardin dont il mange ? » Et les injustes de dire : «Mais vous ne suivez là qu’un homme ensorcelé. » (09) Regarde quelles images ils ont donné de toi et comment cela causa leur égarement au point qu’ils ne sont plus capables de choisir un chemin. » (Sourate 25 Le discernement, versets 07-09)

Les versets traitant ce sujet sont nombreux, et ce qui a touché les Prophètes (sur eux la paix) a obligatoirement touché les hommes de Dieu. Ainsi les gens, suivant leurs mauvais penchants, ont soit rejeté tout homme de Dieu, soit accepté certains et rejeté d’autres, comme ce le fut pour les Prophètes d’Allah (sur eux la paix).

Les élus d’Allah sont le choix d’Allah (qu’Il soit Glorifié et Exalté) et ils sont baignés par la Grâce et la Faveur d’Allah : « Voilà ceux qu’Allah a comblés de faveurs, parmi les prophètes, parmi les descendants d’Adam, et aussi parmi ceux que Nous avons transportés en compagnie de Noé, et parmi la descendance d’Abraham et d’Israël et parmi ceux que Nous avons guidés et choisis […] » (Sourate 19 Myriam, verset 58)

Allah (qu’Il soit Glorifié et Exalté) leur révèle (Ilhem) de Sa science et les guide dans leurs faits, gestes et paroles :

– « Ceux-là Allah leur a inculqué la foi dans leurs cœurs et les a soutenus par un souffle de vie de Sa part. Il les introduira dans des jardins sous lesquels coulent les rivières et où ils seront pour l’éternité. Allah leur a donné Sa pleine satisfaction et ils lui ont donné la leur. Ceux-là sont le parti d’Allah et c’est le parti d’Allah qui récolteront le succès. » (Sourate 58 La discussion, verset 22)

– « Il fait descendre les Anges, porteurs de l’Esprit, par Son ordre sur qui Il veut de Ses esclaves, à savoir : « Avertissez qu’il n’est d’autre Dieu que Moi-même et craignez-Moi en conséquence. » (Sourate 16 Les abeilles, verset 02)

« Ce n’est nullement le fait d’un être humain qu’Allah lui adresse la parole si ce n’est par inspiration ou de derrière un écran ou qu’Il envoie un messager pour qu’Il lui inspire avec Sa permission ce qu’il veut. Il est Sublime et Sage. » (Sourate 42 La consultation, verset 51)

– « Est-ce que celui dont Allah a détendu la poitrine pour l’ouvrir à l’Islam et qui détient ainsi une lumière de son Seigneur (est meilleur ou est-ce celui qui est resté mécréant ?) […]» (Sourate 39 Les groupes, verset 22)

Le Prophète (que la prière et la paix d’Allah soient sur lui) a indiqué que parmi ses compagnons certains recevaient une inspiration venant d’Allah (qu’Il soit Glorifié et exalté) tel est le cas de ‘Omar Ibn El Khattab (qu’Allah l’agrée). En effet le Prophète (que la prière et la paix d’Allah soient sur lui) a dit : « Quiconque déteste ‘Omar m’a détesté, quiconque aime ‘Omar m’a aimé. Allah s’est flatté devant les anges de tous les musulmans l’après-midi de ‘Arafat, et il s’est flatté de ‘Omar en particulier. Chaque fois qu’Allah a envoyé un prophète, il y eut dans sa communauté un inspiré. S’il y en a dans ma communauté, ‘Omar en fait partie. » « Ô messager d’Allah ! dirent-ils, comment ça un inspiré ? » « Les anges parlent par sa bouche »

Une fois Oubey Ibn Kaab (qu’Allah l’agrée) a dit : « J’entrerai dans la Mosquée, je prierai, et je louerai Allah avec les louanges que personne ne Lui a jamais adressées. » Il pria, il s’assit pour louer Allah et le féliciter, et derrière lui, il entendit dire à voix haute : « Ô Allah ! À toi est la louange (…) et accepte mon repentir. » Il se rendit alors chez le Messager d’Allah (que la prière et la paix d’Allah soient sur lui) et lui raconta cela Il dit (que la prière et la paix d’Allah soient sur lui) : « C’est Jibril. »

De même, les Awliya, protégés d’Allah, ont accès, par la permission d’Allah, à certains aspects du monde du mystère (El Ghaïb) à certaines connaissances cachés, ils ont aussi la capacité, toujours par la permission d’Allah de faire des prodiges (Karamat) comme ce fut le cas pour les compagnons du Prophète (qu’Allah les agrée), et chacun selon leur degré.

Allah (qu’Il soit Glorifié et Exalté) dit : « […] Nous élevons les degrés de qui Nous voulons et au-dessus de tout savant se trouve un plus grand savant. » (Sourate 12 Joseph, verset 76)

Mais le plus grand miracle dont sont dotés ces élus c’est le fait de réformer les intérieurs de ceux qui les suivent, d’augmenter, par leur compagnie, l’amour d’Allah et de Son Prophète (que la prière et la paix d’Allah soient sur lui), de fournir aux cœurs soumis motivation et constance dans les bonnes œuvres. Tout ceci est du domaine de la guidée et rien n’est plus cher et plus important que la guidée au point qu’Allah en a fait la demande unique des « sept répétés » (Sourate El Fatiha) : « guide-nous dans le droit chemin. »

La compagnie de ces hommes-là est des plus bénéfique, leur obéissance mène à la réussite, leur parole autant que leur silence est un enseignement. On a demandé au Prophète (que la prière et la paix d’Allah soient sur lui) : « Ô Messager d’Allah ! Quels sont les meilleurs compagnons avec lesquels nous pouvons nous asseoir ? » Il dit (que la prière et la paix d’Allah soient sur lui) : « Ceux dont la vue vous rappelle Allah, dont les paroles enrichissent votre savoir et dont les œuvres vous rappellent l’au-delà. »

Une fois le Prophète (que la prière et la paix d’Allah soient sur lui) décrivit à ‘Omaret ‘Ali (qu’Allah les agrée) l’existence d’un de ces hommes d’Allah, qui vivait au Yémen et nommé Ouways Qarni. Il (que la prière et la paix d’Allah soient sur lui) leur recommanda de le rechercher et de lui demander d’implorer le pardon d’Allah pour eux. Pourtant cet homme n’a jamais vu le Prophète (de corps) il est classé parmi les Suivants (Tabi’ine) et non comme un Compagnon (qu’Allah les agrée tous), et de plus il n’a pas combattu à ses côtés comme l’ont fait ‘Omar et ‘Ali (qu’Allah les agrée). Ouways (qu’Allah l’agrée) était considéré par sa tribu comme un pauvre berger solitaire, mais Allah (qu’Il soit Glorifié et Exalté) sait ce que ne savent pas Ses créatures. ‘Omar, la dernière année de son Califat, finit par le trouver à ‘Arafat lors du pèlerinage gardant les chameaux de sa tribu.

Par l’intermédiaire de tels hommes et leur Baraka, la foi de l’islam s’est répandue et enracinée dans des contrées éloignées et des cœurs fermés. Ces maîtres authentiques ont hérité de la Bénédiction prophétique (Baraka), flux spirituel qui permet, accompagné par les directives et l’enseignement d’un maître, de parfaire le grand combat contre le Nafs. Tous ces ingrédients-là permettent de transformer la nature animale du novice en pureté et sainteté, c’est ce qui est appelé dans le langage Soufi par « L’Alchimie Spirituelle. »

Tant que ces maîtres authentiques existeront, la religion sera préservée auprès d’eux et ceux qui les suivront seront bien guidés. C’est en parlant de tels hommes que l’Imam ‘Ali (qu’Allah l’agrée) a dit : « Il reste toujours sur terre des défenseurs d’Allah avec des arguments fermes, pour que ne disparaissent pas les arguments et les preuves d’Allah, ceux-là sont les moins nombreux et les plus valeureux chez Allah. Par eux, Allah défend Ses arguments jusqu’à ce qu’ils les transmettent à leurs égaux et les plantent dans les cœurs de leurs semblables. La science leur a fait saisir la vérité des choses, et ils ont trouvé aisé ce que les gens vivants dans le luxe ont trouvé difficile et agréable ce que les gens ignorants ont trouvé rebutant. Ils ont vécu dans ce monde avec des corps dont les âmes sont attachées au royaume céleste. Ceux-là sont les lieutenants d’Allah sur Sa terre et Ses prédicateurs à Sa religion. Ah! Ah ! Que j’ai envie de les voir. »

Enfin d’autres personnes, par leurs esprits pervertis, confondent la vénération dont font preuve les disciples vis-à-vis de leur Cheikh, avec des actes d’adoration et considèrent cela comme non redevable à l’égard d’un être humain.

Tout d’abord, il faut savoir que ce respect est une manifestation de l’amour que l’on doit à tout Waly et surtout envers celui qui est en charge de notre éducation et qui nous permet ainsi d’accéder, par la grâce Divine, à la connaissance d’Allah et par conséquent à la véritable adoration, le plus grand et seul véritable bienfait que puisse recevoir une personne. Malheureusement pour beaucoup de personnes cela n’a aucune valeur et ne représente rien. Par contre, si une personne nous sauve d’une situation ou d’un problème désastreux, ou nous permet d’acquérir des biens matériels en nous permettant ainsi de vivre pour toujours dans l’aisance, alors là l’amour et le respect envers cette personne seraient nécessaires et bien vus. Aimer les hommes qu’Allah aime fait partie de l’amour que l’on doit à Allah, c’est ce que signifie l’expression prophétique « aimer en Allah » et il en est de même pour les marques de respect.

En effet, le Prophète (que la prière et la paix d’Allah soient sur lui) a dit : « Honorez les savants, car ils sont les successeurs des Prophètes. Celui qui les a honorés c’est comme s’il a honoré Allah et Son Prophète. »

Vénérer une personne ne signifie pas l’adorer, et les actes extérieurs de respect ne troublent en rien la qualité de la foi, car si cela avait été le cas, Allah (qu’Il soit Glorifié et Exalté) n’aurait jamais permis la vénération de la Kaaba et de la pierre noire qui ne sont que des pierres disposées les unes sur les autres. Si les musulmans vénèrent particulièrement cet endroit, ce n’est point pour ce qu’il est, mais pour le rôle qu’Allah lui a donné. C’est à ce même titre que le Prophète (que la prière et la paix d’Allah soient sur lui) et les hommes de Dieu (Waliyoullah) sont vénérés, ils ont été choisis par Allah pour être une cause de guidée, et c’est donc sur eux que se déverse la bénédiction et l’agrément Divin.

La vénération des choses ou des personnes étant liée à Allah (qu’Il soit Glorifié et Exalté) est un acte de foi vis-à-vis d’Allah, par ce lien avec Lui, ces choses ou ces personnes sont des récipients dans lesquels se déverse la Baraka d’Allah et dans lesquels on peut s’abreuver. Les compagnons du Prophète (que la prière et la paix d’Allah soient sur lui) avaient particulièrement bien compris cela et ont excellé dans la recherche de cette bénédiction. Voici quelques récits qui le montrent et quelques marques de respect surprenant envers le Prophète (que la prière et la paix d’Allah soient sur lui) :

Ouséma Ibn Charik (qu’Allah l’agrée) rapporte : « Nous étions assis auprès du Prophète (que la prière et la paix d’Allah soient sur lui), comme si nous avions des oiseaux sur nos têtes, aucun de nous ne prononçait une parole. Des gens vinrent alors et demandèrent : « Quels sont les serviteurs d’Allah les plus aimés d’Allah Très Haut ? » Il répondit (que la prière et la paix d’Allah soient sur lui) : « Ceux qui ont le meilleur comportement. » »

Zouhri (qu’Allah l’agrée) rapporte : « Quand le Messager d’Allah (que la prière et la paix d’Allah soient sur lui) faisait ses ablutions ou crachait, ils se précipitaient pour attraper son crachat au vol et s’en essuyaient le visage et la peau. Le messager d’Allah (que la prière et la paix d’Allah soient sur lui) demanda : « Pourquoi faites-vous cela ? » « Nous voulons la bénédiction » répondirent-ils.

‘Orwa qui était venu négocier lors du pacte de Houdeybiya raconta après avoir observé discrètement les compagnons du Prophète (que la prière et la paix d’Allah soient sur lui) : « Par Allah ! Quand Mohammed (que la prière et la paix d’Allah soient sur lui) crachait, son crachat atterrissait dans la main de l’un d’eux et il essuyait son visage et sa peau. Dès qu’il leur donnait un ordre, ils se précipitaient pour l’exécuter. Chaque fois qu’il faisait ses ablutions, ils s’entretuaient presque pour son eau. Quand il parlait, ils baissaient leur voix auprès de lui et ne le regardaient pas en face par respect et glorification. »

‘Orwa retourna vers ses amis et déclara : « Ma tribu ! Par Allah ! J’ai été reçu par les rois, j’ai été ambassadeur chez César, Kisra et Négus. Par Allah ! Je n’ai jamais vu un roi glorifié par ses compagnons comme Mohammed est glorifié par les siens. »

Abou Qourad Assoulami raconte : « Nous étions chez le Prophète (que la prière et la paix d’Allah soient sur lui) quand il demanda de l’eau pour faire ses ablutions. Il y plongea la main et fit ses ablutions. Nous suivîmes l’eau et nous la sirotâmes. Le Prophète (que la prière et la paix d’Allah soient sur lui) demanda : « Pourquoi avez-vous fait cela ? » « Pour l’amour d’Allah et de Son Messager» répondîmes-nous. Il dit (que la prière et la paix d’Allah soient sur lui) : « Alors si vous voulez qu’Allah et son Messager vous aiment, remplissez vos engagements quand on vous fait confiance, dites la vérité quand vous parlez, et soyez bienfaisants envers vos voisins. »

Safina raconte : « Le Prophète (que la prière et la paix d’Allah soient sur lui) se fit saigner puis dit : « Prends ce sang et enterre-le pour qu’il soit à l’abri des bêtes, des oiseaux et des hommes.» Je me suis cachée, je l’ai bu puis je lui ai raconté et il en rit (que la prière et la paix d’Allah soient sur lui). »

Abou Saïd El Khoudri (qu’Allah l’agrée) rapporte : « Quand le Messager d’Allah (que la prière et la paix d’Allah soient sur lui) fut atteint au visage le jour d’Ohod, mon père Mélik Ibn Sinène suça son sang puis l’avala. Le Prophète (que la prière et la paix d’Allah soient sur lui) demanda : « Bois-tu le sang ? » « Oui, répondit-il ; je bois le sang du Messager d’Allah. » « Mon sang s’est mélangé avec le sien, le feu ne le touchera pas ! »

Oumeyma rapporte : « Le Prophète (que la prière et la paix d’Allah soient sur lui) avait un bol dans lequel il urinait et qu’il plaçait sous le lit. Il se réveilla, le chercha, mais ne le trouva pas. Il demanda : « Où est le bol ? » On répondit : « Sorra, la servante d’Oum Salama qui est venue avec elle d’Éthiopie l’a bu. » Le Prophète (que la prière et la paix d’Allah soient sur lui) déclara : « Elle s’est protégée du feu par un rempart puissant. »

Ibrahim Ibn Abderahmane Ibn Abdelqani raconte : « J’ai regardé Ibn ‘Omar poser sa main sur l’endroit de la chaire où s’asseyait le Prophète (que la prière et la paix d’Allah soient sur lui) puis il la passa sur son visage. »

Yazid Ibn Abdelallah Ibn Alqousayt raconte : « J’ai vu certains compagnons du Prophète (que la prière et la paix d’Allah soient sur lui), quand la Mosquée était vide, ils tenaient la chaire (du Prophète) de leur main droite et se dirigeaient vers la Qibla et imploraient Allah. »

Séléna Ibn Alakwa raconte : « J’ai prêté serment d’allégeance au Messager d’Allah (que la prière et la paix d’Allah soient sur lui) avec ma main que voici, nous lui embrassâmes la main et il ne refusa pas. »

Mézina Alaabdi rapporte : « Alachajj vint en marchant, il prit la main du Prophète (que la prière et la paix d’Allah soient sur lui) et l’embrassa, le Prophète (que la prière et la paix d’Allah soient sur lui) lui dit : « En vérité, tu possèdes deux qualités qu’Allah et Son Messager aiment. » « Ai-je été créé ainsi ou ai-je acquis ce comportement ? » « Non, c’est en toi, tu as été créé ainsi. » « Louange à Allah qui m’a créé à la façon que Lui et Son Messager aiment. » Ce sont la douceur et le calme.

Ténim Ibn Séléna rapporte : « Quand ‘Omar arriva au Chèm, Abou Obeyda ibn Al Jarrah l’accueillit, lui serra la main et la lui embrassa. Puis ils restèrent entre eux à pleurer. »

Younous Ibn Maysara raconte : « Nous avons visité Yézid Ibn Alaswèd dans sa maladie. Wethila Ibn Alasqaa entra. En le voyant, Yézid tendit la main et lui prit la sienne puis essaya son visage et sa poitrine, car il avait prêté serment au Messager d’Allah (que la prière et la paix d’Allah soient sur lui). »

Ainsi, tous ces récits montrent bien le lien de la vénération avec la foi et ne la contredisent nullement comme le pensent certains. Cela permet aussi aux disciples de pouvoir s’éduquer intérieurement, de maîtriser et combattre les suggestions de l’âme corrompue (Nafs), fertile pour l’orgueil, d’apprendre et d’acquérir la vertu de la modestie nécessaire pour celui qui voyage vers Allah, et aussi surtout fournit un contexte où les règles des convenances (Adeb) peuvent être mises en applications et prospérer.

Il faut savoir que celui qui veut avoir accès à la cour du Roi, il se doit d’abord de passer par son valet et c’est celui-ci qui constatant si les convenances sont suffisantes nous considérera comme apte à rentrer auprès du Roi, sinon si l’adeb devant le valet ne suffit pas alors celui-là ne peut se permettre de nous laisser rencontrer le Roi. Si le manque d’adeb devant le valet nous empêche de rencontrer le Roi, c’est parce qu’un manque d’adeb devant le Roi nous propulserait dans sa disgrâce et sa colère.

Le Prophète (que la prière et la paix d’Allah soient sur lui) n’était pas venu apprendre aux gens comment trouver les défauts d’une chaîne de transmission d’un Hadith ou la remise en cause d’une fatwa et autres règles juridiques, mais il (que la prière et la paix d’Allah soient sur lui) est venu pour réformer les intérieurs, guérir les cœurs de leur maladie et purifier les esprits afin de leur permettre de connaître Allah qui est, et constitue le seul but à atteindre pour l’ensemble des Djinn et des êtres humains, hommes ou femmes, à travers chaque époque, et ce, jusqu’au jour du Jugement Dernier.

C’est ce que s’évertuent à faire les voies spirituelles. Elles sont les seules à avoir poussé l’introspection de soi-même à son plus haut niveau, de même pour la recherche de nos propres défauts et la réforme des comportements et des caractères, ce qui donna naissance à des saints, protégés d’Allah qui ne sont motivés que par l’amour d’Allah, ne recherchant que Son visage. Ceux-là ont ainsi suivi la voie de leur Prophète (que la prière et la paix d’Allah soient sur lui) et de ses compagnons (qu’Allah les agrée), ils ont réalisé la totalité et la profondeur de leurs enseignements et sont donc devenus les lieutenants d’Allah sur terre, et les Imams de la guidée. Ceux qui les auront aimés seront aimés d’Allah, et ceux qui les auront détestés seront détestés d’Allah. Ils sont les détenteurs de la Baraka Prophétique (bénédiction), de la science infuse et de cette certitude qui fait défaut à notre communauté, en cette époque.

Voilà, expliqué à travers ces quelques lignes, ce que renferment les mots « science » et « savant » dont parle Allah (qu’Il soit Glorifié et Exalté). C’est le tandem “Chari’a-tariqa” (la Loi et la Voie), “extérieur-intérieur”, “apparent-caché” qui permet de suivre le chemin de la guidée permettant ainsi d’arriver, la grâce Divine aidant, au domaine du Haqiqa (domaine des Réalités Divines) domaine réservé aux élus, à l’élite parmi les esprits, aux cœurs sincères.

Allah (qu’Il soit Glorifié et Exalté) dit : « […] Allah placera sur des degrés élevés ceux d’entre vous qui croient et ceux qui auront reçu la science […]» (Sourate 58 La discussion, verset 11)

Le Prophète (que la prière et la paix d’Allah soient sur lui) a dit : « Les prophètes ne laissent en héritage ni dinar, ni dirham, mais ils laissent la science, celui qui l’aura recueillie, aura recueillie une chose énorme ».

La voie qui mène à la Vérité impose de rechercher réellement la Vérité, sans contrefaçon que ce soit par rapport à soi même ou autrui, et les guides et maîtres de la Voie sont là pour nous permettre de comprendre la Vérité et de voyager vers elle. Ils sont ce pont qui nous donne l’accès à l’autre rive et cette porte qui nous permet d’entrer dans la demeure des Réalités, nous sauvant par la même des dangers des apparences.

Ainsi, nous venons de voir quelques bases élémentaires que le chercheur de Vérité doit prendre en compte, car celui qui veut se faire « Soufi » se doit d’emprunter avec certitude cette Voie de la rectitude, en déjouant un à un, sous l’égide et grâce au « Cheikh », les pièges et ruses qui s’interposent entre le chercheur et le Recherché (Allah), habillé de la Loi (Chari’a) et cheminant sur la Voie (Tariqa). Le chercheur connaîtra ainsi Allah, par Allah, pour Allah, vers Allah, en Allah (Haqiqa) et découvrira l’amour méconnu qui lie mystérieusement l’amant à l’Aimé.

Recherche et traduction parla Zaouiya Tidjaniya El Koubra d’Europe