Question-réponse 9

Assalam alaykum, j’ai entendu que le tawasoul été considéré comme de l’association à Allah dans l’islam. Qu’en est-il ? (TAWASOUL: ” Invoquer Allah par l’intermédiaire d’une personne”).

REPONSE

Voici la réponse à votre question, mais avant tout nous vous signalons que ce sujet demande une réponse plus étoffée, car beaucoup de gens et d’idéologies contemporaines incriminent les musulmans de faire de l’association à Allah (qu’Il soit Glorifie et Exalté), reniant entièrement des agissements qui pourtant font partie de l’Islam et de la foi des premiers siècles.

Pas un musulman ne diverge sur la légitimité de la médiation auprès d’Allah (qu’Il soit Glorifié et Exalté) par l’intermédiaire des œuvres pieuses. Celui qui prie, qui jeûne, qui lit le Qoran et qui donne l’aumône utilise en fait l’intermédiaire de son jeûne, de sa prière, de sa lecture, de son aumône et bien plus, il en espère l’acceptation de sa propre personne et l’atteinte de son but, en cela donc, il n’y a pas de divergence.

La preuve scripturaire à ce sujet est le hadith rapportant l’histoire des trois personnes qui se retrouvèrent coincées dans une grotte. Pour pouvoir être délivré, l’un a utilisé la médiation par sa piété filiale, le second a utilisé son détournement de son obscénité après s’y être engagé pour le faire et le troisième a évoqué comme intermédiaire sa fidélité envers le dépôt qui lui avait été confié et la remise du surplus d’argent obtenu par ce dépôt sans rien en garder ; par cela Allah les délivra tous les trois. Il s’agit là d’un aspect de la médiation et Cheikh Ibn Taïmiya a expliqué son bien-fondé dans son épître Règles précieuses sur la médiation et les médiateurs.

Le point de divergence

Cette divergence concerne la médiation par l’intermédiaire des personnes et des personnalités comme lorsque l’on dit : « Ô mon Dieu, je m’oriente auprès de Toi par la médiation de Ton Prophète Mohammed (que la prière et la paix d’Allah soient sur lui) » ou « je m’oriente à Toi par la médiation d’Abou Bakr Siddiq » ou « ‘Omar ibn El Khattab » ou « ‘Othman » ou « ‘Ali », c’est cette forme que certains proscrivent.

En fait, la divergence naît dans la formulation, non pas dans la substance même de cette médiation, car en réalité la médiation par les personnes revient à la médiation par les œuvres de ces mêmes personnes ; or cela comme on l’a vu précédemment fait l’unanimité dans la légitimité. Si ceux qui s’obstinent dans ce domaine regardaient d’un regard clairvoyant, le problème deviendrait plus limpide tout comme l’erreur de la zizanie enclenchée à cause de cette incompréhension accusant les musulmans d’associationnisme et d’égarement.

Sache que celui qui passe par la médiation d’une personne le fait, soit en considération de son amour pour lui, croyant fermement en sa piété, sa sainteté, son mérite, ayant une bonne opinion de lui, ou bien c’est en considération du fait qu’il a la ferme conviction que cette personne aime Allah et qu’il fait des efforts dans sa voie, ou encore c’est parce qu’il croit avec certitude qu’Allah aime cette personne comme Il le dit : « Il les aime et ils L’aiment » ; soit que toutes ces catégories sont réunies dans le médiateur.

Donc, si on réfléchit bien à ce qui vient d’être évoqué, on constate qu’en fait cet amour et cette croyance ne sont qu’en relation avec les œuvres du médiateur, c’est par ce biais-là que son cœur s’est lié à lui, qu’il a demandé par lui et qu’il s’est réuni à lui.

Aussi la notion de Tawasoul n’est pas en contradiction ni étrangère à l’Islam ou à la foi, au contraire cela est permis, mais seulement il y a quatre conditions à respecter :

Premièrement, il faut savoir que le Tawasoul est une façon d’adresser nos demandes à Allah et il fait partie des portes permettant de s’orienter vers Allah, mais véritablement l’objectif fondamental n’est qu’Allah, quant à celui qui est utilisé comme intermédiaire, il est une cause et un médiateur pour la proximité d’Allah. Celui qui croit en autre chose que cela, il fait alors de l’association (Chirk). Allah (qu’Il soit Glorifié et Exalté) dit : « Ô vous les croyants ! Craignez Allah, cherchez la cause (el wassilata) pour aller vers Lui […] » (Sourate 05 La table servie, verset 35).

Deuxièmement, celui qui utilise le Tawasoul ne doit le faire que parce qu’il considère d’une part que l’intermédiaire utilisé aime Allah et que, d’autre part, il croit certainement qu’Allah aime l’intermédiaire utilisé et que, si ce n’était pas le cas, alors il serait celui qui le détesterait et s’éloignerait le plus de cet intermédiaire utilisé.

Troisièmement, si celui qui utilise le Tawasoul a la conviction que la cause utilisée est capable “d’elle-même” d’apporter profit et nuisance comme Allah ou sans Allah, il a alors fait de l’association (Chirk).

Quatrièmement, le Tawasoul n’est ni un devoir, ni une nécessité et l’exaucement n’est pas réservé qu’à ce genre d’invocation, mais plutôt l’exaucement concerne toutes les formes d’invocation comme Allah (qu’Il soit Glorifié et Exalté) dit : « Et si mes serviteurs t’interrogent sur Moi…alors Je suis proche : Je réponds à l’appel de celui qui M’invoque quand il M’invoque. » (Sourate 02 La vache, verset 186) ;« Dis : « Invoquez Allah ou invoquez le Très Miséricordieux. Quel que soit le nom par lequel vous l’appelez, il a les plus beaux Noms » (Sourate 17 Le voyage nocturne, verset 110).

Quelques preuves :

Il est rapporté par Ibn Kathir, ainsi que Nawawi, Ibn Qoudama et d’autres le récit suivant :

‘Otba (qu’Allah l’agrée) a dit : « J’étais assis auprès de la tombe du Prophète (que la prière et la paix d’Allah soient sur lui) lorsque survint un bédouin qui a dit : « Que la paix soit sur toi Ô Messager d’Allah, j’ai entendu qu’Allah dit : « Si lorsqu’ils ont fait du tort à leurs propres personnes ils venaient à toi en implorant le pardon d’Allah et si le Messager demandait le pardon pour eux, ils trouveraient, certes Allah Très Accueillant au repentir, Miséricordieux. » (Sourate 04 Les femmes, verset 64) et certes je suis venu à toi, implorant le pardon de mes péchés afin que tu intercèdes auprès de mon Seigneur » ensuite il récita un poème puis il s’en alla. Je fus pris alors d’un sommeil et j’ai vu le Prophète (que la prière et la paix d’Allah soient sur lui) qui m’a dit : « Rejoins ce bédouin et dis-lui qu’Allah lui a pardonné. » »

De même dans le Tafsir du pilier des exégètes, l’Imam Qourtoubi, il est rapporté une histoire presque similaire, il dit :

« Il est rapporté selon Abou Sadiq selon ‘Ali (qu’Allah l’agrée) qui a dit : « Un bédouin est venu après que l’on ait enterré le Prophète (que la prière et la paix d’Allah soient sur lui) depuis trois jours, il s’est jeté sur la tombe du Messager d’Allah et jetant la terre du tombeau sur la tête il a dit : « Ô Messager d’Allah nous avons entendu les paroles et les exhortations qu’Allah t’a révélées et parmi celles-là il y a : « Si lorsqu’ils ont fait du tort à leurs propres personnes ils venaient à toi en implorant le pardon d’Allah et si le Messager demandait le pardon pour eux, ils trouveraient, certes Allah Très Accueillant au repentir, Miséricordieux. » (Sourate 04 Les femmes, verset 64)  et certes j’ai été injuste envers moi-même et je suis venu à toi pour que tu demandes le pardon. » Un appel a alors retenti de la tombe disant : « Certes il t’a été pardonné. » »

Ce qu’il faut retenir de ces deux récits c’est qu’ils ont été rapportés par des sommités et des références religieuses que l’on ne peut renier, si ce genre de Tawasoul avait été un tant soit peu considéré comme de l’association ou étranger à l’Islam alors ces savants se seraient-ils permis de les rapporter ? Bien sûr que non !

Il est rapporté par El Baïhaqi selon Malek Darri (qu’Allah l’agrée) qui a dit : « Les musulmans furent frappés d’une grave sécheresse du temps de ‘Omar ibn El Khattab (qu’Allah l’agrée). Un homme alla à la tombe du Messager d’Allah (que la prière et la paix d’Allah soient sur lui) et dit : « Ô Messager d’Allah ! Demande à Allah la pluie pour ta communauté, car ils périssent. » Le Messager d’Allah (que la prière et la paix d’Allah soient sur lui) vint le voir en rêve et dit : « Va chez ‘Omar, passe-lui mon salut, informe-le qu’ils recevront la pluie et dis-lui : « réfléchis, sois intelligent ! »» L’homme partit chez ‘Omar (qu’Allah l’agrée) et l’informa. Il pleura et dit : « Seigneur ! Je m’efforce de ne rien négliger, sauf ce qui dépasse mes capacités. » » Ibn Kathir a authentifié sa chaîne dans El Bidaya.

Il est rapporté par Abi Chaïba avec une chaîne authentique selon la version rapportée par Abi Salih Saman selon Malik Dari qui était le trésorier de ‘Omar (qu’Allah l’agrée) il a dit : « Les musulmans furent frappés d’une grave sécheresse du temps de ‘Omar ibn El Khattab (qu’Allah l’agrée). Un homme alla à la tombe du Messager d’Allah (que la prière et la paix d’Allah soient sur lui) et dis : « Ô Messager d’Allah ! Demande à Allah la pluie pour ta communauté, car ils périssent. » Le Prophète (que la prière et la paix d’Allah soient sur lui) vint le voir en songe et il a dit : « Va voir ‘Omar […] » »

Il est stipulé par Saïfi dans El Foutouh que celui qui a eu la vision est Bilal ibn Harith El Mazani (qu’Allah l’agrée), un d’entre les compagnons. Ibn Hajr a dit que sa chaîne est authentique tel rapporté dans Fath bari. Aucun d’entre les grands Imams qui ont rapporté ce hadith, ni de ceux qui ont classifié ce hadith par la suite, n’a prétendu qu’il s’agit là de mécréance et d’égarement et aucun n’a déclaré qu’il y a un défaut dans l’énoncé du hadith. De plus, ce hadith a été rapporté par l’éminent Ibn Hajr ‘Asqalani et il a déclaré sa chaîne authentique ; or il est inutile de mentionner son étendue et sa perspicacité dans la science et sa haute dignité parmi les érudits du hadith tellement il est célèbre et irréprochable.

Il est rapporté de Tirmidhi selon ‘Othman ibn Houneïf (qu’Allah l’agrée) qui a rapporté qu’un aveugle vint auprès du Prophète (que la prière et la paix d’Allah soient sur lui) et lui dit : « J’ai été touché dans ma vue, invoque Allah pour moi. » Le Prophète (que la prière et la paix d’Allah soient sur lui) lui répondit : « Va faire les ablutions puis prie deux cycles de prière (Raka’tin) ensuite tu dis : « Ô Allah ! Je te demande et je m’oriente vers Toi à travers ton Prophète Mohammed, le Prophète de la miséricorde, ô Mohammed je te demande ton intercession auprès de mon Seigneur pour que ma vue me soit rendue (dans une autre version : « je m’adresse à toi pour mon besoin afin qu’il soit exaucé ») » » ensuite le Prophète (que la prière et la paix d’Allah soient sur lui) lui ajouta : « Et si tu as un autre besoin fais dorénavant ainsi. » (Cette dou’a a été authentifiée par Albani dans Sahih Jami’ Saghir)

Avec cela il est rapporté par Tabarani selon Abou Oumama ibn Sahl ibn Houneïf selon son oncle ‘Othman ibn Houneïf (qu’Allah l’agrée) qui a dit qu’un homme s’était rendu auprès de ‘Othman ibn Affan (lors de son Khalifat) pour lui exposer son besoin ; or celui-ci ne lui prêta pas attention. Cet homme rencontra Ibn Houneïf et se plaignit à lui de sa situation, il lui répondit : « Va faire tes ablutions ensuite va à la mosquée, prie deux cycles de prière ensuite dis : « Ô Allah ! Je te demande et je m’oriente vers Toi à travers ton Prophète Mohammed, le Prophète de la miséricorde, ô Mohammed je m’adresse à toi pour mon besoin afin qu’il soit exaucé. » Puis tu évoques ton besoin et tu reviens afin que je parte avec toi. » L’homme partit faire ce qu’il lui a dit puis il revint, et lorsqu’il se rendit devant la porte de ‘Othman ibn Affan (qu’Allah l’agrée), le portier le saisit par la main et l’emmena devant le Khalife et le fit asseoir auprès de lui sur un coussin, celui-ci lui demanda alors : « De quoi as-tu besoin ? » Et il évoqua alors son besoin que ‘Othman ibn Affan (qu’Allah l’agrée) régla. (Récit authentifié par Baïhaqi, El Moundhiri et El Haïthami).

Ainsi, les preuves concernant le Tawasoul à travers le mérite des personnes existent bel et bien et de nombreux savants ont établi sa légitimité. Voici à la suite quelques noms célèbres et reconnus parmi les plus grands Imams et Houffadh (Mémorisateur) de la Sounna, qui considèrent et parlent du Tawasoul :

01. Parmi eux l’Imam, El Hafidh Abou Abdallah El Hakem qui, dans son ouvrage intitulé « El Moustadrak » a évoqué le hadith sur la médiation d’Adam (paix sur lui) à travers le Prophète (que la prière et la paix d’Allah soient sur lui) et qui l’a authentifié.

02. Il y a l’Imam, El Hafidh Aboubakr El Baïhaqi qui dans son ouvrage intitulé « Dala-il Noubouwa » a évoqué le Tawasoul d’Adam (paix sur lui) et d’autres.

03. Il y a l’Imam, El Hafidh Jalaldin Souyouti qui dans son ouvrage intitulé « Khassa-iss El Koubra » a évoqué le hadith sur la médiation accompli par Adam (paix sur lui).

04. Il y a l’Imam, El Hafidh Abou Faraj Ibn Jaouzi qui dans son ouvrage intitulé « El Wafa » a évoqué non seulement le même hadith, mais d’autres aussi.

05. Il y a l’Imam, El Hafidh El Qadi ‘Iyadh qui dans son ouvrage intitulé « Ach-chifa fi Ta’rif bi Houqouq El Moustafa » a évoqué beaucoup de hadiths dans les chapitres des visites et celui du mérite du Prophète (que la prière et la paix d’Allah soient sur lui).

06. Il y a l’Imam, Cheikh Nouredin Qari connu sur l’appellation de Moulla ‘Ali Qari qui évoque cela dans son commentaire du livre « Ach-chifa… », comme vu précédemment.

07. Il y a l’Imam, le savant Ahmed Chihabdin Khafaji qui évoque cela dans son commentaire du livre « Ach-chifa… » nommé : « Banasim Riyadh ».

08. Il y a l’Imam, El Hafidh Qastalani dans l’introduction de son ouvrage « El Mawahib Ladouniya ».

09. Il y a l’Imam, Cheikh El Islam Abou Zakariya Yahiya Nawawi dans son ouvrage « El Idah » (porte 6 ; 498).

10. Il y a le savant, Cheikh Mohamed Abdelbaqi Zarqani dans son commentaire du « Mawahib » (44 ; 1).

11. Il y a le savant, Ibn Hajr Haythami dans son ouvrage « Hachiyatoun ‘Ala-l-Idah ».

12. Il y a El Hafidh Chihabdin Mohamed ibn Mohamed ibn Jaouzi Dimashqi dans son livre « Adat el Hisn el Hasin » dans le mérite des convenances dans les supplications.

13. Il y a le savant, l’Imam Mohamed ibn ‘Ali Chawkani dans son livre « Touhfat Dhakirine » (161).

14. Il y a le savant, l’Imam, le Mohadith ‘Ali ibn Abdelkafi Soubki dans son ouvrage : « Chifa Asaqam Fi Ziyarat Khaïr El Anam ».

15. Il y a El Hafidh Imaddin Ibn Kathir dans son exégèse de la parole d’ALLAH : « et s’ils se sont fait du tort à eux-mêmes […] » où il a mentionné l’histoire de ‘Otba avec un bédouin qui est venu visiter le Prophète (que la prière et la paix d’Allah soient sur lui) pour demander son intercession et l’Imam Ibn Kathir ne s’y est point opposé. Il a mentionné aussi l’histoire de la médiation d’Adam (paix sur lui) avec le Prophète (que la prière et la paix d’Allah soient sur lui) dans son ouvrage « Bidaya Wa Nihaya » et il n’a point rejeté le hadith (91 ; 1). Il a mentionné également l’histoire de l’homme venu jusqu’à la tombe du Prophète (que la prière et la paix d’Allah soient sur lui) pour faire le Tawasoul à travers lui en déclarant que sa chaîne est authentique.

16. Il y a l’Imam, El Hafidh Ibn Hajr ‘Asqalani qui a mentionné l’histoire de l’homme venu jusqu’à la tombe du Prophète (que la prière et la paix d’Allah soient sur lui) et qui fit le Tawasoul par lui et il a authentifié la chaîne dans « Fath El Bari » (265 ; 5).

Même Cheikh Mohamed ibn Abdelwahhab, le chef de file du mouvement wahhabite, ne critique pas la médiation. Il fût interrogé sur leur parole à propos de la prière de la pluie : « La médiation par les saints est possible » et la parole d’Ahmed (l’imam Ahmed ibn Hanbal) : « Il utilise particulièrement la médiation du Prophète (que la prière et la paix d’Allah soient sur lui) ». Comment concilier cela avec leur parole : « on ne doit pas chercher le secours d’une créature » ?

Il répondit : « La distinction est très clairement apparente et cela n’a rien à voir avec ce que l’on a dit, en effet certains admettent la médiation par les saints, d’autres la réservent exclusivement au Prophète (que la prière et la paix d’Allah soient sur lui) mais la plupart des savants le défendent en le considérant comme non souhaitable (Makrouh). Cela fait partie des controverses au sein des points juridiques et même si pour nous l’avis le plus juste est celui de la majorité c’est-à-dire que c’est non souhaitable, nous ne critiquons nullement ceux qui la pratiquent, car il ne peut y avoir de critique dans l’effort d’interprétation juridique. Notre critique ne vise que ceux qui implorent la créature au-dessus et davantage qu’ils n’implorent Allah […] »

Ainsi prétendre que le Tawasoul est étranger à l’islam est entièrement faux et accuser ceux qui l’utilisent de mécréance et d’association est encore plus condamnable. De même, les soufis n’ont pas pour objectif et comme règle absolue que les gens doivent s’adresser à Allah par des intermédiaires, ceux qui les critiquent en proclamant cette prétention inventent un mensonge contre eux. Leur éducation vise à réformer les cœurs des gens afin qu’ils acquièrent la pleine confiance en Allah et qu’ils s’attachent exclusivement à Lui, mais seulement les maîtres des voies spirituelles reconnaissent la légitimité de cette forme d’invocation et ne renient point son implication au sein de la Sagesse Divine, Sagesse qui a placé et qui régit l’ensemble des causes. Mais ils n’ont cessé de condamner les abus et d’orienter les gens afin qu’ils se consacrent purement à Allah.

Pour exemple Sidi Ahmed ibn El Mubarak rapporte du grand Connaissant Sidi Abdelaziz Dabbagh (qu’Allah l’agrée) ces propos : « le fait suivant te montre la multitude de gens coupés de Dieu et l’augmentation des ténèbres en eux : tu vois quelqu’un quitter sa maison muni de vingt pièces de monnaie par exemple, se diriger vers le sanctuaire d’un saint parmi les saints de Dieu et les déposer là-bas dans l’espoir d’être exaucé. Et combien de pauvres nécessiteux a-t-il trouvés sur son chemin qui lui ont demandé une part de ce qui appartient à Dieu, dans la voie de Dieu, pour la Face de Dieu, et à qui il n’a pas donné un seul dirham. Et voilà qu’il les dépose à la tête du saint dans son tombeau, cela est assurément la pire des choses. »

De même en lui citant quelques causes qui coupent le serviteur de son Seigneur, il a dit : « La première est de faire des offrandes aux tombeaux des saints au lieu de les faire pour la Face de Dieu comme cela a été cité […] »

Il avait encore dit : « L’adoration des Connaissants de Dieu se fait par Son Existence Généreuse et Son Etre Elevé ; ils l’accomplissent pour Le glorifier, Le magnifier, Le révérer et Lui obéir. Tous les actes d’adoration et d’obéissance et l’ensemble des Lois Divines ont été commandés par Dieu aux serviteurs afin d’instaurer les paroles unitaires et de faire pénétrer la connaissance du Seigneur dans les cœurs des créatures. Si cette connaissance a lieu, le but est atteint, et si elle n’a pas lieu, les moyens s’avèrent sans utilité. »

Seïdina Ahmed Tijani (qu’Allah sanctifie son précieux secret) a dit : « […] Quant au Tawhid des Gnostiques il consiste à adorer un seul DIEU avec agrément et soumission face à Son Décret de sorte qu’ils ne comptent dans leurs affaires que sur un Dieu unique, ne s’orientant avec leurs cœurs et leurs aspirations que vers Lui, ne s’en remettant qu’à Lui pour attirer ses bienfaits ou repousser les nuisances, n’aimant que Lui, ne désirant à travers chacun de leurs souhaits que Lui, ils ne possèdent guère de volonté et de force propre, car celles-ci tout entière n’appartiennent qu’à Lui. Ils considèrent que le début de leur quête, leur fin ou leur parcours médian n’est réservé exclusivement qu’à Lui.

Ceci implique de leur part un détachement complet des passions sous toutes ses formes, apparentes ou cachées, flagrantes ou implicites jusqu’à l’ultime limite des ruses infligées par le Nafs, les passions et le démon. Ainsi s’ils manifestent ne serait-ce qu’un infime moment de suivi dans leurs passions, ils n’auront alors point intégré le dogme d l’Unicité Divine et n’auront point réalisé la servitude à un Dieu Unique.

Quand ils arrivent à ce stade de Tawhid dans sa plénitude, l’assimilent parfaitement et finissent par s’immerger avec conscience de l’Unicité Divine, dans l’océan de l’agrément et de la soumission ; ils ne peuvent plus échapper aux Décrets Divins quels que soient leurs portées, bonnes ou mauvaises, car en réalité personne ne peut choisir avec Allah, par contre s’ils manifestent un choix quelconque, ils se sont forcément divinisés avec Lui.

À ce stade de réalisation, soulagés des difficultés du choix face à la destinée, ils se voient placés sur le tapis de la félicité et des bienfaits après avoir ôté l’accoutrement de la rudesse engendré par les tracasseries du choix. Ils s’installent ainsi auprès d’Allah sur l’étendue de la proximité et de l’intimité. On ne peut imaginer ce qu’ils peuvent avoir en tant que dons, faveurs, réalisations, espérances, honneurs, magnificences et largesses, tout ceci ne pouvant être dénombré ou délimité […] ».

Zaouiya Tidjaniya El Koubra d’Europe