Question-réponse 93

Pourrions-nous avoir quelques informations sur Cheikh Mahmoud (qu’Allah l’agrée) que Sidi Ahmed Tidjani (qu’Allah sanctifie son précieux secret) a rencontré ?

REPONSE

Cheikh Mahmoud Kourdiyou el Kourani el Khalwati (qu’Allah l’agrée) est le Cheikh et maître, l’Imam, le Mouhadith, le Connaissant, la Kaaba de tous les voyageurs, le pilier de ceux qui parviennent et le guide des cheminants, aux prodiges apparents. Il était originaire des régions du Kurdistan d’où son appellation « le Kurde » (El Kourdiyou).

Sidi Djabarti a rapporté dans son Tarikh que Sidi Mahmoud (qu’Allah l’agrée) prit le pacte auprès de son professeur Chamsdin el Hafni, qui déversa en lui les sciences diverses et inspirées. Il écrivit une épitre sur les règles du Dhikr et la cause de cet écrit est qu’il vit en songe Cheikh Mohieddine ibn ‘Arabi (qu’Allah l’agrée) qui lui remit des clefs en lui disant : « Va ouvrir le coffre. » Il se réveilla alors et cette science surgissait à son insu sur sa langue, et dans son cœur il sut qu’il se devait de l’écrire. Il a dit : « À chaque fois que cette inspiration disparaissait, elle revenait de nouveau ; j’ai su alors que cela était un ordre Divin et je l’écrivis en un temps très court sans aucune difficulté. C’était comme si cela surgissait directement de mon cœur à ma langue. » Son khalife, le Cheikh Islam Cheikh ‘Abdallah Charqawi, Grand Imam d’Al Azhar, en fit un commentaire ainsi que le savant Sidi ‘Abdelqader ibn ‘Abdelatif Rifa’i.

Il rencontrait souvent el Khadir (sur lui la paix) et quant il le voyait en songe ils évoquaient Allah ensemble jusqu’à son réveil. Il était connu pour être toujours en état d’évocation, que ce soit à l’état de veille ou en songe. Il dit une fois : « Tout ce qui se trouve dans le livre « Ihyia ‘Ouloum Din » de l’Imam Ghazzali (qu’Allah l’agrée), je l’ai su avant de le consulter. Lorsque je l’ai lu j’ai rendu grâce à Allah le Très Haut pour son assistance à mon égard et de m’avoir déversé la science sans besoin d’apprentissage. »

Lorsqu’il a atteint l’âge de dix-huit ans, il vit en songe Cheikh Mohamed el Hafni (qu’Allah l’agrée) et il s’entendit dire : « C’est lui ton Cheikh. » Son cœur s’attacha à lui et il quitta sa région de Goran (au Kurdistan) pour l’Égypte afin de le rencontrer. Il prit de lui la Tariqa Khalwatiyya puis chemina dans ses mains, cela bien qu’il avait déjà la voie de Cheikh ‘Ali Qassiri. Il raconta qu’à ses débuts il lui dit : « Ô mon maître, je chemine entre tes mains, cependant je ne peux pas me défaire des oraisons de Cheikh ‘Ali Qassiri. Aussi je réciterais ses oraisons tout en cheminant dans ta voie. » Le Cheikh, ayant constaté sa véracité, le lui concéda et ne lui imposa pas d’abandonner les oraisons de Cheikh ‘Ali Qassiri. Il le côtoya longuement et il lui transmit les sept Noms à invoquer dans la Tariqa. Il lui délivra aussi un diplôme majestueux qui démontrait son grand degré dans la station des Hommes, l’autorisant à éduquer et guider les disciples.

Vers la fin de sa vie, lorsque quelqu’un se présentait à Cheikh Mohamed el Hafni pour prendre la voie, il le dirigeait auprès de Cheikh Mahmoud el Kourdiyou (qu’Allah l’agrée) et il disait à l’ensemble des frères : « Vous devez respecter Cheikh Mahmoud. Assurément, si je ne savais pas ce que je sais de votre situation intérieure, je vous aurais ordonné à tous de prendre le pacte auprès de lui et de vous limiter à lui. »

Lorsque Cheikh Moustapha el Bakri (qu’Allah l’agrée), le Cheikh de son Cheikh, vint les voir, Cheikh Mahmoud s’abreuva auprès de lui des sciences des Réalités et il l’aimait énormément. Cheikh Moustapha el Bakri (qu’Allah l’agrée) a dit un jour à Sidi Mahmoud el Kourdiyou (qu’Allah l’agrée) : « Ô Mahmoud, je ne vois pas en toi les traces de l’Ouverture, peut-être évoquerais-tu un autre Ouird avec notre Oraison ? » Il lui répondit : « Oui, en effet »

Sidi Moustapha el Bakri (qu’Allah l’agrée) se tourna alors vers Sidi Mohamed el Hafni (qu’Allah l’agrée) et lui dit : « Pourquoi lui donnes-tu l’autorisation pour notre Ouird alors qu’il a une autre Oraison ? »

Ce dernier répondit : « Ô mon maître, j’ai constaté qu’il ne voulait pas le délaisser, aussi me suis-je dit que ce qui est mélangé de blanc et de noir est toujours mieux que ce qui est complètement noir. »

Quand celui-ci constata qu’il ne récitait pas les oraisons de la Tariqa Khalwatiya se contentant de ceux de Qassiri, il lui en fit le reproche, lui disant : « Est-ce qu’il convient que tu chemines dans nos mains alors que tu récites d’autres oraisons que les nôtres ?! Soit tu récites nos oraisons, soit tu nous délaisses entièrement. »

Il dit : « Ô mon maître, Allah vous a placé comme une miséricorde pour les mondes tandis que je crains Cheikh Qassiri si je délaisse ses oraisons. De plus, lorsque je me suis imposé une chose depuis ma jeunesse, je répugne à l’abandonner étant devenu plus âgé. »

Il lui répondit alors : « Consulte Allah sur cette affaire et observe ce que tu verras, il se peut qu’Allah élargisse ta poitrine. »

Cheikh Mahmoud raconta : « J’ai consulté Allah l’Immense et je m’endormis. Je vis le Prophète (que la prière et la paix d’Allah soient sur lui) avec Qassiri à sa gauche et Sidi Bakri à sa droite et moi je leur faisais face. Qassiri a dit au Prophète (que la prière et la paix d’Allah soient sur lui)  : « Ô Messager d’Allah, ma voie n’est-elle pas sur ta voie ? Mes oraisons ne proviennent-elles pas de ta lumière ? Alors pourquoi Sidi Bakri lui ordonne-t-il de délaisser mes oraisons ? » Sidi Bakri répliqua : « Ô Messager d’Allah, une personne qui chemine par nous et dont l’éducation nous revient, est-il convenable de sa part qu’il récite les oraisons des autres et fuis nos oraisons ? » Le Messager d’Allah (que la prière et la paix d’Allah soient sur lui) dit alors : «  « Ô Mahmoud, délaisse la voie de Qassiri et prend la voie de Bakri car ton Ouverture est dans ses mains. »  Ensuite, après une nuit ou plus, je vis en songe Sidi Abou Bakr Siddiq (qu’Allah l’agrée) qui me disait : « Ô Mahmoud, contente-toi de mon enfant Sidi Moustapha. » Puis j’ai vu son oraison qui était inscrite en lumière entre le ciel et la terre, chaque lettre étant aussi volumineuse qu’une montagne. »

Lorsqu’il se leva, il se rendit auprès de Sidi Moustapha (qu’Allah l’agrée) pour l’en informer et ce dernier lui dit : « Ô Mahmoud, pourquoi nous embarrasses-tu devant ton Cheikh ?! » Et il fit ce qui lui fut ordonné.

Il a été rapporté qu’une fois Sidi Mahmoud (qu’Allah l’agrée) rassembla les disciples en une nuit bénie et il évoqua Allah jusqu’à l’aube. Il avait sur lui quelques biens et il pressentit en son cœur le devoir de s’en détacher alors il les distribua à ceux qui étaient en sa compagnie. Aussitôt une personne du groupe cria sous l’effet d’un état intense : « Allah » puis il dit au Cheikh : « Ô mon maître, j’ai entendu une voix invisible dire : « Ô Cheikh Mahmoud, sache que ta nuit a été acceptée par Allah le Très Haut. »

Sidi Mahmoud (qu’Allah l’agrée) raconta ensuite : « Ensuite, après avoir prié le Fajr, je me suis endormi et j’ai vu le Messager d’Allah (que la prière et la paix d’Allah soient sur lui) qui me dit : « Ô Cheikh Mahmoud, sache que ta nuit a été acceptée par Allah le Très Haut, tends-moi ta main que je te récompense. » Le Prophète (que la prière et la paix d’Allah soient sur lui) prit ma main, et alors que Cheikh Mohamed el Bakri était aussi présent dans l’assemblée, il empoigna aussi sa main puis ajouta : « Je désire faire de toi le frère de Sidi Bakri, ainsi chacun de nous trois sera le frère de l’autre, et celui d’entre nous qui réussira pourra saisir également ses frères par la main pour les faire réussir à leur tour ». Je me suis réveillé rempli de joie. »

Peu de temps s’écoula avant que Sidi Bakri (qu’Allah l’agrée) l’envoya chercher. Il fit alors ses ablutions et partit le visiter. Il avait en effet pour habitude de lui rendre visite chaque jour et de n’entrer auprès de lui qu’en état d’ablution. Lorsqu’il se présenta, Sidi Bakri (qu’Allah l’agrée) l’interrogea : « Qu’est-ce qui a retardé ta visite d’aujourd’hui » Il répondit : « Ô mon maître, nous avions veillé hier toute la nuit et après cela je me suis endormi, d’où mon retard. » Sidi Bakri (qu’Allah l’agrée) lui demanda : « Y aurait-il eu une bonne annonce ou une allusion au cours de ton sommeil ? » Sidi Mahmoud lui dit : « C’est auprès de vous que se trouvent les bonnes annonces. » Mais il insista en lui disant : « Informe-moi sur ce que tu as vu. » Il en fut étonné et lui raconta tout. À la fin de son récit, Sidi Bakri (qu’Allah l’agrée) lui déclara: « Ô Mahmoud, sache que ton songe est réel et qu’il s’agit d’une bonne annonce pour toi et moi. Certainement c’est lui qui a la réussite (que la prière et la paix d’Allah soient sur lui) , et nous, par sa bénédiction, nous l’avons aussi. »

Les mérites de Sidi Mahmoud el Kourdiyou (qu’Allah l’agrée) sont multiples et ne peuvent être tous recensés. Il voyait très souvent le Messager d’Allah (que la prière et la paix d’Allah soient sur lui) au point que pas une nuit ne passait sans qu’il ne le voie. De même, il voyait souvent le Très Haut en songe, une fois d’ailleurs où il Le vit, Il lui clama : « Ô Mahmoud, Sache que Je t’aime et que J’aime ceux qui t’aiment. »

Sidi Mahmoud (qu’Allah l’agrée) disait : « Sachez que celui qui m’aime entrera au Paradis et on m’a autorisé à le dire»

Il a dit aussi une fois : « Parfois je me trouve auprès de mes enfants, je joue avec eux et les fait rire alors que mon cœur se trouve à ce moment-là dans les mondes supérieurs au ciel de ce monde, ou le deuxième, ou le troisième ou près du Trône. »

Son Khalife le Connaissant Sidi Mohamed Badir Qoudsi (qu’Allah l’agrée) a dit : « Parmi les prodiges du maître, il y a le fait qu’il retenait par cœur toute science rien qu’à l’écoute et jamais elle ne disparaissait même après un certain temps. Il n’entendait pas une seule science profitable sans la mettre en pratique lui-même et perdurer dans son accomplissement. »

Sidi Djabarti (qu’Allah l’agrée) a dit : « Une fois je lui ais lu Raoudh Riyahin  de l’imam Yafi’i, célèbre livre relatant le récit des grands saints de la communauté, lorsque j’eus fini il me dit en présence de certains frères : « Peut-on encore trouver à notre époque semblable à ces Hommes et leurs prodiges mentionnés dans ce livre ? » Certains lui répondirent : « Ô mon maître le bien sera toujours présent dans la communauté du Messager (sur lui la prière et la paix d’Allah). »

Il dit : « Il m’est survenu sur la voie des évènements qui en témoignent bien plus. Je vais vous raconter ce qui m’est arrivé au cours d’une de ces nuits : j’étais assis en train d’accomplir mes oraisons lorsque je fus pris d’une grande soif, en effet on était en été dans une période de grande chaleur. La mère de mes enfants dormait et je détestais devoir la réveiller par compassion envers elle, à peine cette pensée me traversa l’esprit que je vis de l’eau se former dans l’air au point que je me crû au milieu d’un étang. Il ne cessa d’augmenter jusqu’à parvenir à ma bouche et je bus cette eau dont je n’ai jamais goûté de pareille. Ensuite elle diminua jusqu’à disparaitre entièrement sans laisser une seule goutte. Une autre fois au cours d’une nuit d’hiver j’eus très froid alors que j’étais assis en train d’accomplir mes oraisons et ma couverture tomba à terre (il ne pouvait la ramasser car l’une de ses mains était paralysée). J’ai voulu réveiller la mère de mes enfants, mais j’eus de la pitié envers elle et avant que cette pensée ne finisse, je vis un grand poêle rempli de charbon incandescent se placer devant moi. Il resta ainsi jusqu’à ce que mon corps se réchauffa et je me dis en moi-même : « Est-ce un feu réel ou imaginaire ? » J’en rapprochais mes doigts et je fus brûlé, c’est alors que je compris qu’il s’agissait d’un don d’Allah le Très Haut, ensuite cela disparut. » »

Sidi Mahmoud (qu’Allah l’agrée) mourut le 03 Mouharam en l’an 1195 H, il fut lavé par Cheikh Souleïman el Djamil et la prière mortuaire sur lui fut effectuée dans la prestigieuse mosquée d’Al Azhar, puis il fut inhumé dans le désert d’Égypte au côté de son Cheikh Sidi Moustapha el Bakri (qu’Allah les agrée tous).  

C’est environ huit ans avant sa mort en 1187 H que Seïdina Ahmed Tidjani (qu’Allah sanctifie son précieux secret) partit à sa rencontre lors de son voyage pour le pèlerinage. Cela suite à un songe qu’il eut de lui lorsqu’il résidait encore en Tunisie. Lors de sa première rencontre avec Seïdina Ahmed Tidjani (qu’Allah sanctifie son précieux secret), et comme pour lui confirmer cet état de fait, Sidi Mahmoud (qu’Allah l’agrée) lui dit : « Tu es aimé auprès d’Allah dans ce monde ainsi que dans l’au-delà ». Seïdina (qu’Allah sanctifie son précieux secret) lui demanda : « D’où te vient cela ? » Il lui répondit : « D’Allah ! » Seïdina Ahmed Tidjani (qu’Allah sanctifie son précieux secret) lui dit alors : « Je t’ai vu alors que j’étais en Tunisie et je t’ai dit : « Je suis entièrement en acier ». Tu m’as répondu : « Oui ! C’est ainsi et je vais transformer ton acier en or » ». Lorsque Seïdina (qu’Allah sanctifie son précieux secret) raconta cela, Sidi Mahmoud (qu’Allah l’agrée) lui répondit : « Oui, c’est comme tu as vu ».

Quelques jours plus tard, Sidi Mahmoud el Kourdiyou (qu’Allah l’agrée) interrogea Seïdina Ahmed Tidjani (qu’Allah sanctifie son précieux secret) sur ses ambitions et Seïdina lui répondit : « J’ambitionne d’accéder au degré des Pôles Suprêmes (El Qotbaniya el ‘Oudhma) » Le célèbre Maître lui affirma alors : « Ô mon ami ! Le Très-Haut te réserve beaucoup plus que cela ». Après ce séjour Seïdina (qu’Allah sanctifie son précieux secret) continua sa route pour le Hijèz puis une fois avoir parfait les rites du Hajj, il retourna au Caire auprès de Sidi Mahmoud (qu’Allah l’agrée) qui fut heureux de le revoir. Il lui demanda de se rendre auprès de lui tous les jours. Durant ce nouveau séjour, Sidi Mahmoud el Kourdiyou (qu’Allah l’agrée) lui soumit de nombreux problèmes relatant divers sujets en lui demandant de les résoudre. Les savants d’Égypte restèrent stupéfaits devant ses réponses qui dénouaient tout type de complexité, sans aucune ambigüité, et ce, dans les différents domaines de science traités. Sidi Mahmoud (qu’Allah l’agrée) lui octroya un diplôme d’autorisation (Ijaza) dans le Hadith englobant les Sahih dans une chaîne le reliant jusqu’à l’Imam Boukhari ainsi que les Sunanet d’autres ouvrages.

Avant son départ, il lui transmit également la voie Khalwatiya en lui délivrant le diplôme d’autorisation afin qu’il initie, éduque et forme ses disciples à cette voie. Cependant, comme à son habitude à cette époque, Seïdina (qu’Allah sanctifie son précieux secret) eut des réticences et refusa le fait d’initier et d’éduquer des disciples. Sidi Mahmoud (qu’Allah l’agrée) le rassura en lui disant : « Contente-toi de transmettre l’autorisation et c’est moi qui serais le garant pour le reste ». Alors il accepta et repartit en Algérie avec cette Tariqa, cela jusqu’à sa Grande Ouverture à Boussemghoune en 1196 H.

Recherche et traduction par la Zaouiya Tidjaniya El Koubra d’Europe