Question-réponse 24

Des frères musulmans m’ont interpellé sur le soufisme, la voie Tidjaniya et Seïdina Cheikh (ran) en me soumettant des propos qui lui auraient été attribués dans certains livres, propos que j’ai démenti. J’aimerais connaître votre opinion sur ce sujet et sur l’existence de tels ouvrages. Quels sont également les livres de la Tariqa Tidjaniya qui sont fiables et quels sont ceux que l’on rattache à notre voie alors qu’ils sont à rejeter ?

REPONSE

Concernant ce dont vous nous avez informés, sur les propos de ces personnes, malheureusement, ce sont des critiques courantes qui en rejoignent d’autres. D’ailleurs, les savants de la Tariqa n’ont cessé de commenter et d’expliquer ces points à la lumière du Qoran et de la Sunna.

Les causes de ce genre de critiques sont dues à plusieurs facteurs :

– L’un de ces facteurs est l’ignorance des gens au sujet de cette Tariqa et de son dépositaire, notre maître Seïdina Ahmed Tijani (qu’Allah sanctifie son précieux secret). Ils ne prennent pas la peine de se renseigner et préfèrent se risquer à répéter ce qui se dit sans penser aux conséquences de tels propos, où se mélangent calomnies, mensonges, faux témoignages et inventions. Certains sont simplement ignorants, mais d’autres le font volontairement et désirent absolument discréditer cette Tariqa, et cela, quelles que soient les méthodes utilisées.

Nous rappelons qu’Allah (qu’Il soit Glorifié et Exalté) dit : « Ne te laisse pas aller à ce dont tu n’as aucune science » (Sourate 17 Le voyage nocturne, verset 36)

Et le Prophète (que la prière et la paix d’Allah soient sur lui) a dit : « Il suffit à l’homme pour être menteur de rapporter tout ce qu’il entend » (Rapporté par Mouslim)

– Un autre facteur est qu’effectivement, il existe de faux livres attribués à la Tariqa ou à Seïdina Ahmed Tidjani (qu’Allah sanctifie son précieux secret), ou encore à l’un de ses compagnons.

On peut citer, parmi ceux-là, un « Machahid » faux qui est différent du vrai « Machahid » écrit par Sidi Hajj Ali Harazim (qu’Allah l’agrée). De même, il y avait une édition de « Djawahirou-l-Ma’ani » dans laquelle se trouvaient de nombreuses falsifications par rapport au livre originel et l’éminent Sidi Mohamed El Hafidh Misri (savant d’Égypte) les a répertoriés et signalés.

Il faut savoir que malheureusement, des gens sans scrupules n’hésitent pas à agir de la sorte. Déjà, à l’époque de l’Imam Ahmed ibn Hanbal (qu’Allah l’agrée), on retrouva sous son lit de mort, un écrit faisant l’apologie d’une fausse croyance, qui avait été dissimulé discrètement par des hérétiques de l’époque, heureusement que ses élèves étaient présents et ont relevé le subterfuge.

De même, des gens mal intentionnés ont fait circuler de fausses versions de « Foutouhat Mekkiya » de Ibn ‘Arabi El Hatimi (qu’Allah l’agrée), afin qu’il soit accusé de mécréance et c’est l’imam Cha’rani qui a décelé ses odieux rajouts (qu’Allah le récompense).

Et encore, quelle ne fut pas la surprise de Cheikh El Islam Majdoudin Firouzabadi, l’auteur du célèbre « Qamous » en recevant la lettre du Cheikh Abou Bakr El Khayyat El Baghawi, le blâmant d’avoir écrit un livre critiquant l’Imam Abou Hanifa et l’accusant de mécréance. Il s’empressa de lui répondre en ces termes : « Si un tel livre est en ta possession, alors empresse-toi de le brûler, car c’est une invention de nos ennemis, quant à moi, je suis un fervent admirateur de l’Imam Abou Hanifa et j’ai écrit au sujet de sa haute valeur. »

Le fameux « Ihiya ‘Ouloum Din » de l’imam Ghazzali n’a pas échappé à cette infamie, plusieurs copies de ce livre comportaient des falsifications, une de ces copies arriva aux mains du Qadi ‘Iyadh et il ordonna qu’il soit brûlé. Mais comment s’étonner que l’on puisse mentir au sujet des savants quand on constate que certains n’ont pas hésité à mentir sur Allah (qu’Il soit Glorifié et Exalté) et son Prophète (que la prière et la paix d’Allah soient sur lui) en inventant de faux hadiths.

Ainsi, il existe aussi des livres écrits par « on ne sait qui » dans lesquels il est prétendu et cité des soi-disant propos de Seïdina Ahmed Tijani (qu’Allah sanctifie son précieux secret), au sujet de sa station spirituelle, ou au sujet de la Salat Fatihi, et d’autre chose encore. Parmi ces écrits mensongers, il y a le « Kanz El Madfoun fi matalib Qoutb el Maktoum », et aussi le « Ya’soub sirr Rabbani fi manaqib Qoutb Tidjani » dont les savants de la Tariqa ont mis en garde contre la lecture, la croyance et la propagation de ce qu’ils comportent.

Lorsqu’un exemplaire arriva au petit-fils de Seïdina, Sidi Mohamed El Bachir (qu’Allah l’agrée), il consulta son contenu et se mit en colère. Puis, il annonça que tous ces ouvrages sont mensongers et que son noble grand-père n’avait jamais fait de telles déclarations. Il ordonna que ce livre soit brûlé. Il écrivit à tous les disciples et frères afin de les mettre en garde et d’agir de la même manière que lui.

Ces écrits peuvent être l’œuvre des ennemis de la Tariqa afin de la discréditer, ou encore de disciples ou Mouqadem ignorants et pensant peut-être que cela sera profitable à la voie, alors que c’est tout le contraire. De même, en dehors des écrits, il y a les propos et il existe beaucoup d’histoires fausses, extravagantes et sans fondements qui sont transportées et propagées par l’ignorance, qu’Allah nous préserve contre cette calamité.

En effet, Seïdina Ahmed Tijani (qu’Allah sanctifie son précieux secret) a répondu, lorsqu’on lui a demandé si on mentirait à son sujet, que oui, et il a alors donné une règle d’or qui est : « Lorsqu’on vous rapporte des propos qui me sont attribués alors pesez-les à la balance de la Chari’a, s’ils sont conformes, prenez-les sinon rejetez-les ».

Cheikh Mohamed El Hafidh Misri Tidjani a commenté : « Cela signifie donc que la seule compréhension des propos qui lui sont attribués qu’il faut retenir est celle qui suit la Sunna, car toute compréhension n’allant pas dans ce sens n’est pas la signification voulue, cela s’il est établi qu’il s’agit véritablement de ses propos, si ce n’est pas établi, il faut alors les délaisser entièrement. »

Concernant les livres de la Tariqa fiables, il faut savoir que les savants ont été prolifiques. Cheikh Soukeïrij, à lui seul, a écrit plus de cent cinquante livres d’une grande science et de grande richesse, mais voici quelques livres essentiels de la Tariqa Tidjaniya :

Djawahirou-l-Ma’ani, de Sidi Hajj Ali Harazim (qu’Allah l’agrée)

Jama’, de Mohamed ibn Mechri (qu’Allah l’agrée)

Boughiyat El Moustafid, de Sidi ‘Arbi ibn Sa-ih (qu’Allah l’agrée)

Kachf El Hijab, de Hajj Ahmed Soukeïrij (qu’Allah l’agrée)

Rimah, de Hajj Omar Foutiyou Tall (qu’Allah l’agrée)

Dourratou El Kharida, de Cheikh Mohamed Nadhifi (qu’Allah l’agrée)

Mizab Rahma Rabbaniya, de Sidi Oubeïda Chinguitti (qu’Allah l’agrée)

Et encore bien d’autres ouvrages. Il faut savoir aussi que Seïdina Ahmed Tijani (qu’Allah sanctifie son précieux secret) n’a jamais écrit lui-même un livre, il fut trop occupé pour cela. Ce fut ses compagnons qui écrivirent ce qu’ils comprirent soit directement de lui, soit en l’entendant de la part d’autres compagnons.

– Parmi les autres facteurs encore, il y a l’interprétation erronée de certains propos de Seïdina Ahmed Tijani (qu’Allah sanctifie son précieux secret), soit par manque de perspicacité et de science, soit par jalousie et désir de discréditer, soit par la domination des mauvaises pensées.

Il faut savoir que Seïdina (qu’Allah sanctifie son précieux secret) ne fut pas le seul à subir cela, mais beaucoup de maîtres soufis furent ciblés et leurs propos détournés de leur sens réel. Or il faut se préserver de tels agissements et les compagnons ainsi que les savants ont mis en garde à ce sujet.

Pour citer quelques exemples :

Omar (qu’Allah l’agrée) a dit : « Ne pense pas du mal de la parole que tu entends de ton frère tant que tu lui trouves une interprétation dans le bien ».

L’Imam Malik (qu’Allah l’agrée) avait formulé l’avis suivant : « Quiconque émane de sa part ce qui implique la dénégation sous quatre-vingt-dix-neuf formes, et que la foi n’est impliquée que par une forme, sera considéré comme ayant la foi ».

L’éminent savant Al-Soubki a averti : « Prenez garde d’écouter ce qui s’est passé entre Abou Hanifa et Soufyan al-Thawri, ou entre Malik et ibn Abi Dhi’b, ou entre Ahmad ibn Salih et al-Nissa`i, ou entre Ahmad ibn Hanbal et al-Harith al-Mouhassibi (et autres dans les temps ultérieurs). Si vous êtes affairés avec cela, je crains la mort pour vous. Ceux-là sont les notables en religion, et leurs paroles ont plusieurs explications que certains ont peut-être mal comprises. En ce qui nous concerne, nous n’avons rien d’autre qu’à approuver ce qu’ils ont dit et de ne rien dire concernant ce qui a eu lieu entre eux, comme ce qui s’est passé entre les Compagnons, qu’Allah soit satisfait d’eux…

Ô toi qui cherches à être guidé ! Consacre-toi à la voie des bonnes manières avec les maîtres passés, évite de creuser dans leurs divergences sauf ce qui est le produit d’une claire démonstration. Si vous êtes capable d’y appliquer une bonne interprétation, faites-le, dans le cas contraire, laissez ce qui a eu lieu entre eux, et préoccupez-vous de ce qui vous concerne, et laissez ce qui ne vous concerne pas ! »

Nous rappelons le conseil d’al-Dhahabi, dans sa note biographique sur Ibn al-Farid, dans Mizan al-i`tidal : « Ne vous empressez pas à juger, au contraire, retenez la meilleure opinion des Soufis ».

Le conseil de l’Imam Ghazali, dans Al-Mounqidh min al-dalal : « Ayez de bonnes pensées (au sujet des Soufis) et ne nourrissez pas de doutes dans votre cœur » et la fatwa d’Ibn Hajar al-Haythami concernant les critiques de ceux qui respectent le Tassawwuf et croient aux Aouliya : « Des mauvaises pensées à leur sujet (Les Soufis) signifient la mort du cœur ».

Cheikh El Islam Ibn Hajar al-Haythami fut une autre fois questionné au sujet des statuts légaux de ceux qui critiquent les Soufis. Y a-t-il une raison pour de telles critiques ? Il répondit, dans son Fatawa hadithiyya : « Il est obligatoire pour toute personne dotée d’esprit et de foi de ne pas tomber dans le piège de critiquer ce groupe (les Soufis), car c’est un poison mortel, comme cela a été attesté dans le passé et récemment ».

Ce problème d’interprétation se retrouve jusque dans le Qoran et les paroles prophétiques, Cheikh Ibn Taïmiya a indiqué dans ses Fatwas :

« Il y a, dans les paroles d’Allah et de son Prophète (que la prière et la paix d’Allah soient sur lui), des expressions, qui ont un sens authentique, mais que certaines personnes ne comprennent pas, et ils imputent alors un sens autre que celui voulu par Allah et son Messager (que la prière et la paix d’Allah soient sur lui), et la compréhension de telles personnes doit être rejeté.

Il en est ainsi pour le cas du hadith rapporté par Tabarani, dans Mou’jamou-l-Kabir, qui mentionne qu’à l’époque du Prophète (que la prière et la paix d’Allah soient sur lui), les hypocrites ont causé du tort aux croyants et Abou Bakr (qu’Allah l’agrée) a alors dit : « Levez-vous pour qu’on aille chercher le secours du Prophète (que la prière et la paix d’Allah soient sur lui) contre ces hypocrites ». Le Prophète (que la prière et la paix d’Allah soient sur lui) leur a dit : « On ne cherche pas mon secours, on doit chercher le secours d’Allah ».

Pour ce cas, le Prophète (que la prière et la paix d’Allah soient sur lui) fait référence à un autre sens, c’est-à-dire qu’ils lui ont réclamé à cet instant ce que seul Allah était capable, mais en dehors de cela les compagnons lui demandaient d’invoquer en leur faveur, ils l’utilisaient comme intermédiaire pour la demande de la pluie comme cela est rapporté dans le Sahih Boukhari selon Ibn ‘Omar (qu’Allah l’agrée) ». Fin de citation.

Zaouiya Tidjaniya El Koubra d’Europe