Question-réponse 56

Quel statut ont les rêves en Islam, j’ai lu d’un savant qu’il a dit : « L’ensemble des gens de l’Islam sont unanimes pour affirmer que la Loi n’est pas établie par le rêve d’une personne et cela même si celui qui a fait le rêve est d’une immense valeur dans sa foi, sa science et sa piété. » et qu’il faut donc rejeter tout ce que l’on perçoit dans les rêves, ainsi que les saints qui disent qu’ils ont rencontré tel cheikh mort et qu’il lui a donné en rêve cela et cela ?

REPONSE

La relation entre les morts et les vivants existe bel et bien et parmi ce qui permet ces contacts il y a les rêves. De plus, la limpidité des rêves des Saints et des Connaissants, qui sont absorbés dans la rectitude et qui ont purifié leurs intériorités, ne sont pas similaires aux rêves du commun embourbés dans leurs passions.

Il est vrai que le monde des rêves a sa propre interprétation qui n’est maîtrisée que par ceux qui ont atteint le degré des Véridiques (Siddiqin) et on ne doit pas se hasarder à interpréter des rêves selon nos réflexions personnelles comme l’a stipulé notre maître Seïdina Ahmed Tidjani (qu’Allah sanctifie son précieux secret). Il est vrai aussi que les songes ne sont pas un critère de sainteté, mais c’est plutôt dans la pratique correcte de la religion en général, ainsi celui qui pratique sa religion avec assiduité et en cherchant à se perfectionner dans son accomplissement celui-là a plus de mérite que celui qui a pu voir mille rêves, mais qui est négligeant dans les règles de l’Islam, car ce qui est demandé c’est le juste suivi, en effet Allah a dit dans le Qoran : « Dis : vraiment si vous aimez Allah alors suivez-moi et Allah vous aimera. » (Sourate 02 La famille d’Imran verset 31).

Mais cela mis à part, prétendre rejeter tous les rêves sans aucune considération ce n’est pas l’attitude enseignée par notre bien aimé Prophète (que la prière et la paix d’Allah soient sur lui) ni celle qu’avaient les compagnons (qu’Allah les agrée) et les pieux ancêtres.

Le savant el Hajj Makki Abdallah a répondu dans son livre « Kitab Sabil Salam » à ce sujet :

« Nous tenons à poser à cette personne les questions suivantes :

Premièrement : Quel est votre avis concernant ce récit : Qourtoubi rapporte dans son exégèse que lorsque ce fut le jour de la bataille de Yamama, Abou Bakr (qu’Allah l’agrée) a exécuté le testament de Thabit ibn Qaïs ibn Chamous (qu’Allah l’agrée) qui lui dicta alors qu’il était mort martyr :

« Quelqu’un vit en songe Thabit ibn Qaïs (qu’Allah l’agrée) qui lui dit : « Je vais te charger d’une chose, mais prends garde de considérer ceci comme un songe et de négliger ce que je te demande. En tombant hier sur le champ de bataille, un homme faisant partie des musulmans passa près de mon corps et prit mon bouclier qu’il emmena dans sa tente à l’extrémité du camp. Il a mis une terrine sur mon bouclier et au-dessus une selle. Cet homme a tel et tel trait pour que te puisses le reconnaître. Va chez Khalid et dis-lui d’envoyer quelqu’un le récupérer, car il est toujours à sa place. Une fois arrivé à Médine, va chez le Calife du Messager de Dieu, Abou Bakr, et dis-lui que Thabit Ibn Qaïs a telle dette, qu’untel et untel de ses esclaves soient affranchis, qu’il acquitte mes dettes et affranchisse mes esclaves […] »

À son réveil, l’homme alla trouver Khalid (qu’Allah l’agrée) et lui raconta sa vision. Celui-ci envoya quelqu’un chez l’homme ayant pris le bouclier, lequel le trouva à la place désignée. En arrivant à Médine, ce même homme rapporta au Calife les volontés de l’illustre Thabit Ibn Qaïs (qu’Allah l’agrée) qui furent exécutées rapidement par Abou Bakr (qu’Allah l’agrée). »

Il dit : « Nous ne connaissons personne auquel il lui fut attribué un testament après sa mort autre que Thabit ibn Qaïs (qu’Allah l’agrée) »

Ibn Qayyim a dit au sujet de cet événement dans son livre Rouh : « Khalid, Abou Bakr et tous les autres compagnons furent unanimes pour mettre en application ce rêve » et ceci est de la pure jurisprudence.

Est-ce que notre détracteur peut s’opposer à Ibn Qayyim et Abou Bakr (qu’Allah les agrée) ?

Deuxièmement : Quel est votre avis au sujet de l’Adhan (appel à la prière) qui fut établi par le rêve puisque El Oubey a évoqué dans le commentaire de Mouslim que l’Adhan fut établi suite au rêve de Abdallah ibn Zayd (qu’Allah l’agrée). Dans El Marasil de Abou Daoud il est évoqué que ‘Omar (qu’Allah l’agrée) a vu la même chose en rêve. Dans le livre de Qastalani sur Boukhari au sujet de l’Adhan il est dit que ‘Abdallah ibn Zayd (qu’Allah l’agrée) a vu en rêve la manière d’accomplir l’Adhan et lorsqu’il l’évoqua au Prophète (que la prière et la paix d’Allah soient sur lui), il l’institua alors de cette manière. Lorsque ‘Omar entendit l’Adhan, il rapporta au Prophète (que la prière et la paix d’Allah soient sur lui) : « J’ai vu dans mon sommeil le même rêve que ‘Abdallah ibn Zayd. » et le Prophète (que la prière et la paix d’Allah soient sur lui) a donc établi l’Adhan conformément à leurs rêves.

Est-ce que notre détracteur s’oppose au Prophète (que la prière et la paix d’Allah soient sur lui) et aux compagnons (qu’Allah les agrée) dans cette affaire ?

Troisièmement : Quel est votre avis sur les propos d’Ibn Qayyim dans le livre Rouh : « […] et ces visions même si on ne peut pas les considérer isolément par contre elles sont validées lorsqu’elles se multiplient, et seul Allah peut les dénombrer, et qu’elles coïncident dans le même sens. En effet, le Prophète (que la prière et la paix d’Allah soient sur lui) a dit : « Je constate que vos visions concordent dans le fait qu’elles se trouvent dans les dix derniers jours (en parlant de Laylatou-l-Qadr). » Si donc les visions des croyants concordent entre elles sur une chose alors c’est comme si leur version concorde entre elles pour établir le caractère bon ou mauvais d’une chose, car ce que le musulman considère comme bon, il est alors bon chez Allah et ce que le musulman considère comme mauvais il est alors mauvais chez Allah.

Enfin quel est encore une fois votre avis sur le hadith rapporté par Boukhari dans la porte intitulée « la concordance des visions » où il a été rapporté par Yahiya ibn Bachir selon Layth selon Aqil selon Ibn Chihab selon Salim ibn ‘Abdallah selon Ibn Omar (qu’Allah l’agrée) que certains gens ont vu en rêve que Laylatou-l-Qadr se trouvait dans les sept dernières nuits (du Ramadan) et certains autres ont vu qu’elle se trouvait dans les dix dernières nuits, le Prophète (que la prière et la paix d’Allah soient sur lui) a dit : « Recherchez-la donc dans les sept dernières nuits. » Ibn Hajr a dit à ce sujet dans Fath Bari: « Ce qui découle de ce hadith c’est que lorsqu’un groupe concorde dans la même vision alors cela nous indique sa confirmation et sa validité. »

Donc, le détracteur se doit d’exclure de sa règle ces quelques cas de figure qui ont été bel et bien établis par des rêves à moins qu’il accepte de récuser ce sur quoi il a construit cette règle. » Fin de citation de Hajj Makki.

De même, on se doit alors de renommer le Prophète (que la prière et la paix d’Allah soient sur lui) puisque sa mère Amina l’a nommé Mohammed suite justement au rêve qu’elle fit, Tabari raconte : « La mère du Prophète (que la prière et la paix d’Allah soient sur lui) a raconté que quand elle le portait dans son sein et que, au bout de neuf mois, le temps de sa délivrance approchait, elle vit, dans un songe, un ange descendre du ciel, qui lui dit : « Celui que tu portes dans ton sein est le plus grand de tous les hommes et la plus noble de toutes les créatures; quand tu en seras délivrée, donne-lui le nom de Mohammed […] »

Et par la même occasion il nous faut aller enfouir le puits de Zemzem car c’est toujours par la cause d’un rêve qu’il fut redécouvert et déterré par le grand-père du Prophète (que la prière et la paix d’Allah soient sur lui), Abdelmoutaleb, Tabari rapporte : « Abdelmoutaleb voulut creuser le puits de Zemzem mais il ne savait pas à quel endroit il devait fouiller. Alors, une nuit, il vit en songe quelqu’un qui lui dit : « Lève-toi et creuse où est le puits de ton père Isma’il fils d’Ibrahim » (…) « la nuit suivante, il rêva qu’on lui disait : « Va creuser à l’endroit où est la boue. » La troisième nuit, il entendit une voix qui lui dit : « Creuse à l’endroit où un corbeau noir viendra frapper le sol avec son bec. » »

Et encore il nous faut aller brûler le tissu couvrant la Kaaba, car Ibn Ishaq a mentionné que la kaaba fut couverte la première fois par Toubbaa, As’ad El Himyari qui avait vu dans un rêve qu’il devait la couvrir, ainsi il la couvrit de cuir. Ensuite il vit dans un rêve qu’il devait la couvrir d’un tissu Yéménite rouge rayé. (Akhbar Makkah d’Al Azraki).

Pourquoi donc ce détracteur tient absolument à s’acharner sur ce qui représente pourtant les 1/46ème de la prophétie, doute t-il de la parole du Prophète (que la prière et la paix d’Allah soient sur lui) qui a dit : « Le songe du croyant fait partie du 1/46ème de la prophétie » comme rapporté par Boukhari et Mouslim ou encore sa parole où il dit (que la prière et la paix d’Allah soient sur lui) : « Le songe du croyant provient d’une parole adressée au serviteur par Son Seigneur au cours de son sommeil » qui est aussi authentifié.

Ibn Qayyim El Jaouzi dit dans Kiteb Rouh:

« Les rêves authentiques sont de plusieurs sortes :

– Certains sont une inspiration qu’Allah projette dans le cœur du serviteur, et c’est une parole par laquelle le Seigneur s’adresse à son serviteur dans son rêve comme l’a dit Oubada ibn Samit (qu’Allah l’agrée).

– Certains sont des paraboles que l’ange responsable des rêves projette.

– Certains sont la rencontre de l’esprit du dormeur avec l’esprit des morts parmi sa famille, ses proches et ses compagnons ou autres qu’eux.

– Certains sont l’élévation de l’esprit du dormeur jusqu’à Allah et la conversation avec Lui.

– Certains sont la rentrée de l’esprit au Paradis contemplant alors ce qui s’y trouve.

La rencontre des esprits des vivants avec ceux des morts est donc une catégorie parmi les rêves authentiques. »

Puis Ibn Qayyim exposa plusieurs faits pour illustrer ces dires et parmi ceux-là :

« Dans Kiteb Majalisa d’Abou Bakr Ahmed ibn Marwan El Maliki, il est rapporté le récit suivant : « Une fois nous sommes partis en voyage alors que nous étions trois personnes. L’un d’entre nous rêva, il vit comme une lanterne sortir de son nez et entrer dans une grotte située non loin d’eux ensuite elle revint et retourna par son nez. Il se réveilla, s’essuya le visage puis il nous dit : « Je viens de voir quelque chose d’étonnant, j’ai vu dans cette grotte ceci et cela » nous sommes alors rentrés à l’intérieur et nous avons trouvé les vestiges d’un trésor. »

Selon Amir ibn Wahb (qu’Allah l’agrée), on vint à lui dans son rêve et on lui dit : « Lève-toi vers tel endroit de la maison et creuse, tu trouveras l’argent de ton père. » car son père avait enterré de l’argent puis il est mort sans laisser son testament. Amir s’est réveillé puis il a creusé à l’endroit indiqué et il a découvert dix mille dirhams, il a pu rembourser ses dettes, améliorer sa situation et celle de sa famille et cela est survenue suite à sa conversion à l’Islam. La cadette d’entre ses filles lui dit : « Ô mon père, notre Seigneur que voici dont nous avons aimés sa religion est meilleur que Houbal et ‘Ouzza, s’il n’en était pas ainsi il ne t’aurait pas fait hériter de cet argent alors qu’il n’y a que peu de jour que tu l’adores. »

Ali ibn Abi Talib El Kirwani El ‘Abir a dit : « Le hadith sur ‘Amir et l’acquisition de son argent par son rêve n’est pas plus étonnant que ce qui est survenu à notre époque et dont nous avons été témoin dans notre village au sujet d’Abou Mohamed Abdallah Boughanichi. C’était un homme pieux, célèbre pour sa vision de ceux qui sont morts et leurs interrogations au sujet de choses inconnues […] »

« Parmi ces récits étranges il y a le cas d’une femme âgée pieuse qui est morte, or elle avait sept dinars qui lui avaient été confiés et la personne qui les lui avait confiés se rendit auprès de luipour se plaindre de ce qui était survenu en lui indiquant son nom et celui de la défunte. Cette personne revint le lendemain et il lui annonça alors : « Une telle te dit : « Va compter les sept poutres du plafond de ma maison car à la septième tu trouveras les dinars dans un chiffon de laine. » La personne fit tel qui lui a été dit et elle trouva tout, comme cela a été décrit. »

Puis Ibn Qayyim El Jaouzi a ensuite dit : « Les récits à ce sujet sont très nombreux. De même concernant les guérisons obtenues suite à des remèdes recueillis en songe, ces cas abondent. Plus d’un m’ont rapporté avoir vu Cheikh El Islam Ibn Taïmiya après sa mort et l’avoir interrogé sur quelques entraves rencontrées concernant le domaine des obligations ou autres, et en lesquelles il leur apporta la réponse. Dans l’ensemble de ce qui a été dit tout ceci ne peut être critiqué que par les gens les plus ignorants en ce qui concerne les esprits, leurs statuts et ce qui s’y rapporte. »

Et même à la question : « Est-ce que les âmes des vivants et des morts se rencontrent ? » Il répondit :

« Les expériences et les preuves sont si nombreuses qu’il n’y a qu’Allah qui peut les dénombrer, certes les esprits des vivants rencontrent les esprits des morts comme se rencontrent entre eux l’esprit des vivants. »

Allah dit : « Dieu reçoit les esprits au moment de leur mort, ainsi que celles qui ne meurent pas au cours de leur sommeil. Il retient celles à qui Il a décrété la mort, tandis qu’Il renvoie les autres jusqu’à un terme fixé. Il y a certainement là des preuves pour des gens qui réfléchissent. » (Sourate 39 Les groupes, verset 42)

Il est rapporté par Sa’id ibn Joubeïr selon Ibn ‘Abbas (qu’Allah l’agrée) qui a dit au sujet de ce verset : « Il m’a été transmis que les esprits des vivants et des morts se rencontrent pendant les songes, et ils s’interrogent mutuellement ; Allah garde alors les esprits de ceux qui sont morts et renvoie les esprits de ceux qui sont encore vivants à leur corps. » (Rapporté par Tabari dans son exégèse.)

Ibn Abi Hatem a rapporté dans son exégèse selon Isbat, selon Soudi, à propos du même verset, il a dit : « Ils sont accueillis durant leur songe et les esprits des vivants rencontrent alors les esprits des morts, ils s’évoquent mutuellement et se connaissent. Puis les esprits des vivants rejoignent leurs corps sur terre jusqu’à leur terme prescrit et les esprits des morts veulent aussi retourner à leurs corps, mais ils sont stoppés. » (Rapporté par Tabari dans son exégèse). Cela prouve la rencontre entre les esprits des vivants et des morts, c’est-à-dire que les vivants rencontrent les morts en songe et ils s’informent mutuellement tout comme le mort informe le vivant sur ce qu’il ne sait pas. » Fin de citation de l’Imam Ibn Jaouzi.

Il a été rapporté par Abou Abdallah Zarqani dans son commentaire du Mouwata de l’Imam Malik sur le thème de l’impôt sur les trésors :

« Il est survenu qu’un homme a vu le Prophète (que la prière et la paix d’Allah soient sur lui) en songe et il lui a dit : « Va à tel endroit et creuse, tu y trouveras un trésor, prends-le pour toi et tu n’as pas à payer le cinquième dessus. » Lorsqu’il se réveilla, il se rendit à l’endroit en question, il creusa et trouva en effet le trésor, il partit consulter l’avis des savants de son époque et tous étaient pour l’avis qu’il n’avait rien à payer dessus comme l’indiquait son rêve véridique. Par contre le Sultan des savants El ‘Izz ibn Abdsalem décréta qu’il devait quand même payer l’impôt, car il a dit : « La majorité de ce qui provient du Prophète (que la prière et la paix d’Allah soient sur lui) en rêve est au degré du hadith rapporté avec une chaîne valide et je lui ai opposé ce qui a un degré plus authentique encore et c’est le hadith sur l’impôt dû sur les trésors. » Cela a aussi été mentionné par l’Imam Souyouti, El ‘Aziz, El ‘Atar et Abou Abdallah Kanoun.

Par conséquent, on constate que l’attitude du Prophète (que la prière et la paix d’Allah soient sur lui), des compagnons (qu’Allah les agrée) et des pieux savants est loin de ceux qui déclarent rejeter toutes les catégories de visions quelque soit la valeur et l’honorabilité de leurs auteurs, soutenant que le contact entre morts et vivants par ce biais est impossible.

Qu’Allah nous permette de prôner l’exactitude et d’être épargnés de l’entêtement des excessifs.

Recherche et traduction par la Zaouiya Tidjaniya El Koubra d’Europe