Question-réponse 91

Réponses à des questions diverses

1- Peut-on envisager la réincarnation ou encore l’incarnation comme explication de certaines déclarations de certains grands saints musulmans ?

Sachez que concernant la réincarnation ou encore l’incarnation cela ne fait pas partie des croyances de l’Islam. Maintenant il s’agit de bien comprendre la définition de la réincarnation et de l’incarnation pour ne pas la confondre avec les termes utilisés par les maîtres Soufi qui utilisent les termes d’extinction (ou Fana) car ce qu’ils évoquent est une réalité différente.

La réincarnation est une doctrine selon laquelle les âmes traversent de nombreuses existences en assumant plusieurs corps successifs, humains ou non humains (doctrine d’ailleurs répandue chez les Bouddhistes et les Hindouistes), mais qui n’a aucune origine au sein de l’Islam.

Quant à l’incarnation c’est l’acte par lequel l’Être Divin s’incarne dans le corps d’un homme.

Par contre les grands maîtres Soufi ne parlent pas de réincarnation, mais plutôt d’extinction (Fana) et ce phénomène peut être imagé comme suit : celui qui est en état d’extinction est comme un miroir qui ne fait que refléter une réalité qui n’est pas la sienne. Ainsi, en prenant pour exemple le reflet du soleil, on ne peut pas dire que ce que l’on voit se refléter dans le miroir n’est pas le soleil comme on ne peut pas dire que le miroir est devenu le soleil. Le Saint qui est submergé par l’intensité des lumières Divines qui se reflètent en lui peut perdre toute trace de lui-même au point de déclarer qu’il n’est rien d’autre que ce reflet. Ce serait comme si le miroir déclarait être le soleil à cause de l’intensité du reflet du soleil sur lui au point de ne plus distinguer la forme du miroir.

Abou-l-‘Abbas al Mursi (qu’Allah l’agrée) a dit : « Nul ne peut accéder à Allah si ce n’est par ces deux voies ; celle du grand anéantissement ou mort naturelle, ou celle du Fana auquel aspirent ces groupes d’Élus. »

Seïdina Ahmed Tidjani (qu’Allah sanctifie son précieux secret), en expliquant les différentes phases de l’extinction, a dit : « Par la suite vient le degré de l’extinction (Fana) devant les existences, mais en étant conscient de cette extinction, puis vient l’extinction de son extinction (Fana ‘an Fana-ihi). En atteignant ce degré, la notion de l’autre disparaît, toute forme d’existence est détruite ne laissant plus aucune trace. Il ne reste que la Vérité, par la Vérité, dans la Vérité, provenant de la Vérité et cela est la porte d’accès à l’Amour dans l’Essence. Cela est l’objectif des objectifs. Si le serviteur atteint ce degré, le voile de la Présence Sacrée est ôté et le soleil des Connaissances se lève laissant accès à tout ce que la Présence Divine contient comme sciences, connaissances, secrets, lumières, états élevés, qualités honorables, ainsi que l’Unicité, la Singularité d’Allah, les Sentences, les Vérités et toutes les merveilles non connues et ne pouvant être évoquées, et c’est là le plus grand des objectifs. »

Cette extinction peut même se faire envers la réalité de la station d’un Wali, ou envers celle du Prophète (que la prière et la paix d’Allah soient sur lui) ou encore envers un Attribut Divin. Celui qui est en état d’extinction pendant un certain temps il est inconscient de lui-même devant l’éclat de ce qui se reflète en lui au point qu’il peut dire : « Je suis le Prophète Mohammed (que la prière et la paix d’Allah soient sur lui) » ou encore comme le célèbre Halladj Mansour qui a dit : « Je suis Le Vrai (c’est-à-dire Allah) ». Il faut bien comprendre que durant cet état ils ne sont point conscients et donc ils ne sont pas fautifs, mais après ils reprennent possession de leur propre réalité.

Donc on constate qu’on est loin de l’incarnation et de sa doctrine, ce n’est qu’un état parmi les états goûtés par les grands maîtres Soufi suite à leurs intenses efforts en eux pour Allah (qu’Il soit Glorifié et Exalté). Ibn Taymiyya a dit à ce sujet : « Cet état d’amour caractérise plusieurs des Gens amoureux d’Allah et les Gens de la Recherche (Ahl al-irada). Un homme s’évanouit dans l’objet de son amour – Allah – à travers l’intensité de son amour. Il se souviendra d’Allah et non de lui-même, invoquera Allah et non lui-même, prendra Allah à témoin et non lui-même, existe en Allah et non en lui-même. Lorsqu’il atteint cet état, il ne ressent plus sa propre existence. Ceci est la raison pour laquelle il peut dire dans cet état : « Ana al-Haqq » (Je suis le Vrai), ou « Soubhani » (Gloire à moi !), et « Ma fi al-joubba illa Allah » (Il n’y rien dans ce manteau sauf Allah) parce qu’ivre dans l’amour d’Allah, ceci est un plaisir et une joie qu’il ne peut contrôler…

Ce phénomène est, en lui-même, à la fois vérité et mensonge. Mais lorsque quelqu’un entre dans un état d’amour extatique (`ichq) pour Allah, il atteindra un état d’absence d’esprit, et lorsqu’il est dans un tel état, il ne verra pas comment il accepte la notion d’union avec Allah. Je ne considère pas cela comme un péché parce que cette personne est innocente et nul ne peut la punir parce qu’elle n’a pas conscience de ce qu’elle fait. Le calame ne condamne pas l’insensé sauf lorsque son esprit est en place (et commets le même acte). » Majmou`a al-fatawa al-koubra

En aucun cas un Saint ne peut et ne veut s’écarter de la doctrine authentique de l’Islam bien au contraire leurs efforts est orienté de telles façons à se réaliser extérieurement et intérieurement en elle.

 

2- Ici au Maroc où je suis étudiant une personne a critiqué ma façon de faire le salut final qui ferme la salat (un seul salut à ma droite et sans y ajouter « warahmatoulahi wa barakatouhou »). Ma réponse : c’est ainsi que font les tijani à la zawiya de Fès. Y a-t-il d’autres arguments ?

Concernant votre question sachez avant tout qu’il ne faut pas prêter attention à ce genre de personne qui fait preuve d’intolérance dans les divergences concernant le domaine des branches secondaires de la loi.  Ensuite pour le salut final ce n’est point la caractéristique seule de la Zaouiya de Fès, mais c’est ainsi que l’on prie dans toutes les mosquées du Maghreb ou plutôt celle où l’on suit l’avis prédominant dans le rite malikite.

‘Aïcha (qu’Allah l’agrée) a rapporté : « Lorsque le Messager d’Allah (que la prière et la paix d’Allah soient sur lui) accomplissait les neuf Rak’a de la prière du Witr, il ne s’asseyait qu’à la huitième. Alors il louait Dieu, Le mentionnait fréquemment, L’invoquait, puis se relevait sans prononcer la formule de Salutation finale (taslîm) pour enfin accomplir la neuvième Rak’a. Lorsqu’il se rasseyait, il se remettait à mentionner Dieu fréquemment et à L’invoquer, puis il disait qu’une fois la Salutation finale, qu’il prononçait à voix haute. Ensuite, il accomplissait deux Rak’a en position assise. Lorsque, avancé en âge, il accomplissait le Witr avec sept Rak’a seulement, il ne s’asseyait qu’à la sixième. Il se redressait ensuite, sans prononcer la formule de Salutation finale, puis il exécutait une dernière Rak’a au terme de laquelle il saluait par un autre taslîm. Ensuite, il effectuait deux Rak’a en position assise ».

Une autre version rapportée par Ibn Hanbal contient la variante : « […] puis il saluait une seule fois, par la formule « Asalamou ‘Alaïkoum »  d’une voix sonore qui nous réveillait ». (Rapporté par l’Imam Ahmed Ibn Hanbal et Nassa-i)

D’après Ibn ‘Omar  (qu’Allah l’agrée) : « Le Messager de Dieu (que la prière et la paix d’Allah soient sur lui) effectuait séparément le Chaf’ et le Witr, qui s’achevait par une seule salutation, prononcée à voix haute ». (Rapporté par Ahmed et Ibn Hibban avec une chaîne solide.)

À cela vient s’ajouter la pratique de plusieurs Compagnons et Suivants qui n’accomplissaient qu’une seule salutation, dans le Mousannaf Ibn Abi Chaïba en compte jusqu’à seize.

L’imam Nawawi a relaté dans son al-Majmou‘ selon l’autorité d’Ibn al-Moundhir : « Un groupe, parmi les Salaf, affirmait que la Salutation finale ne s’imposait qu’une fois seulement ; il comptait Ibn ‘Omar, Anas, Salama ibn al-Akwa‘ et Awzâ‘î (qu’Allah les agrée). En fait, d’après Ibn al-Mundhir, qui s’appuie sur ‘Ammar ibn Abi ‘Ammar (qu’Allah les agrée), on le prononçait deux fois dans la mosquée des Ansar, et une seule dans celle des Mouhajiroun»

Quant à l’ajout dans la salutation de « Wa Rahmatoullah wa barakatouh » il faut savoir que ce qui fait l’unanimité des juristes sur la salutation finale, c’est les paroles : « Asalamou ‘Alaïkoum » au-delà de cela il y a des divergences. Cependant, il n’y a pas d’inconvénient à le rajouter bien que selon l’avis de l’école Malikite elle ne fait pas partie de la prière. En effet il existe bien un hadith qui le mentionne, mais il ne s’agit pas des derniers actes du Prophète (que la prière et la paix d’Allah soient sur lui) c’est pourquoi les savants de Médine se contentaient de dire « Asalamou ‘Alaïkoum » sans rajouter « Wa Rahmatoullah wa barakatouh ». Or les coutumes Médinoises font partie des références juridiques pour le savant de Médine, l’Imam Malek (qu’Allah l’agrée), puisqu’ils étaient ceux qui étaient les mieux informés sur la Sunna.

C’est pourquoi l’imam Dasuqi a dit dans sa Glose sur le traité de Dirdir : « Il vaut mieux réduire la formule de salutation à l’expression « Asalamou ‘Alaïkoum » : il n’est pas de l’ordre du souhaitable de lui ajouter « Wa Rahmatoullah wa barakatouh » ».

 

3- Quel est le nombre de prophètes et de messagers (sur eux la paix) ?

L’imam Souyouti a relaté dans Hawi al Fatawi au sujet de cette même question : « Il est rapporté par Tabarani dans El Aousat selon Abou Oumama el Bahily qu’un homme a dit : « Ô Messager d’Allah, est-ce que Adam (sur lui la paix) était un prophète ? » Il répondit (que la prière et la paix d’Allah soient sur lui) : « Oui » Il demanda : « Combien de temps le sépare de Noé (sur lui la paix) ? » Il dit (que la prière et la paix d’Allah soient sur lui) : « Dix siècles » Il demanda : « Et combien de temps entre Noé et Ibrahim (sur eux la paix) ? » Il répondit (que la prière et la paix d’Allah soient sur lui) : « Dix siècles. » Il demanda ensuite : « Ô Messager d’Allah, combien y-a-t-il de messagers ? » Il répondit (que la prière et la paix d’Allah soient sur lui) : « Trois cent quinze ». » Les rapporteurs sont tous des rapporteurs sûrs.

Il est rapporté par Ibn Hibban dans son Sahih ainsi que par El Hakem selon Abou Dhar (qu’Allah l’agrée) qui a dit : « J’ai dit : « Ô Messager d’Allah, combien y-a-t-il de prophètes (sur eux la paix) ? » Il répondit (que la prière et la paix d’Allah soient sur lui) : « Il y a cent vingt-quatre mille prophètes. » « Ô Messager d’Allah, et combien de messagers (sur eux la paix) parmi eux ? » Il dit (que la prière et la paix d’Allah soient sur lui) : « Trois cent treize. »

 

4- Qui est Cheikh Nadhifi ?

Sidi Mohamed ibn ‘Abdelwahid ibn Hassan Nadhifi (qu’Allah l’agrée) était un pieux wali, un savant illustre dans la Chari’a et la Tariqa, il est né en 1267 H à Souss. Après l’apprentissage du Qoran il s’occupa d’acquérir les diverses sciences et il s’en abreuva auprès d’un ensemble de Chouyoukh très réputé dont le savant Chérif Moulay Abdelmalek Darir el ‘Alawi, le Qadi de Fès Moulay Mohammad el ‘Alawi, le savant Hajj Ahmed ibn Moussa Tata-i Soussi et le savant Sidi ‘Ali Abi Jama’at Masfiwi.

Quant à la Tariqa Tidjaniya il l’a pris en premier lieu du Connaissant en son Seigneur, Sidi Ahmed Mahmoud (qu’Allah l’agrée). Ensuite, il reçut l’autorisation du savant et instruit Sidi ‘Abdallah fils du grand savant réputé Sidi Mohammed Kensoussi, ainsi que du Juriste, le Connaissant en Allah, Sidi Hajj Housseïn el Ifrani, et du savant Chérif, le béni Sidi Mohammed ibn Mohammed ibn Abdsalem Kannoun (qu’Allah les agrée tous). Sidi Mohamed Nadhifi est connu pour son Ouverture manifeste et sa vision du Prophète (que la prière et la paix d’Allah soient sur lui) ainsi que celle de Seïdina Ahmed Tidjani (qu’Allah sanctifie son précieux secret). Il fit construire la Zaouiya qui se trouve dans la vieille ville de Marrakech et où se trouve également l’emplacement de sa retraite spirituelle et celle de sa tombe.

Le juriste Nadhifi (qu’Allah l’agrée) a écrit de nombreux ouvrages dont le fameux Dourrat el Kharida, ouvrages exhaustifs sur la Tariqa Tidjaniya, le Tib el Fa-ih, Zebda el I’rab et beaucoup d’autres. Il est décédé l’année 1366 H / 1947 Ap JC et il avait 99 ans, qu’Allah lui accorde Sa Miséricorde.

Recherche et traduction par la Zaouiya Tidjaniya El Koubra d’Europe